Par la volonté et la combativité de Messieurs Paul Michoud et Mistral, l’un Président de la chambre d’industrie et l’autre Maire de la ville de Grenoble, est installé en 1934 le premier téléphérique urbain après celui de Rio de Janeiro.
Partant de la rive gauche, il franchit l’Isère et domine le Fort Rabot, aujourd’hui domaine universitaire puis s’élève majestueusement jusqu’au Fort de la Bastille (476 m) où plane encore l’ombre de Lesdiguières, Vauban ou le général Haxo responsable des défenses actuelles. Ce site, bien connu des Grenoblois et des régionaux, permet de dominer la vallée de près de 300 m. On peut admirer les fortifications, une magnifique échauguette datant du XVIème siècle, le musée des troupes de montagnes et surtout, grâce à des tables d’interprétation fort bien renseignées, de profiter pleinement des chaînes de Belledonne, Vercors, Chartreuse et, par beau temps, du mythique Mont-Blanc. Des salles de réunions sont accessibles au public, dans un cadre unique et pour des circonstances particulières.
En plus d’un bon bol d’air pour petits et grands, tous bénéficient d’espaces de restauration aménagés, fréquentés par près de 600 000 visiteurs par an.
Depuis son origine, les cabines de forme rectangulaire sont devenues cylindriques, une première fois en 1951 (forme et capacité variables) puis modifiées en 1976 en une forme sphérique permettant une capacité de six personnes et baptisées dès lors « Les Bulles de Grenoble ».
Groupées par quatre ou cinq, elles sont reliées par un câble supérieur afin d’éviter le balancement que provoquerait un vent latéral. Le maître d’œuvre de l’époque était l’entreprise Pomagalski, spécialiste des équipements de ce type.
Dix-huit septembre 1976, quai Stéphane JAY, la fête bat son plein dans le jardin de ville ; il fait très beau et très chaud. Des groupes folkloriques et la fanfare du 6e BCA amusent le quidam et font patienter la foule qui attend son tour pour embarquer dans les nouvelles cabines du téléphérique. En ce jour particulier de l’inauguration, chacun veut profiter de l’aubaine et, bien entendu en pareille circonstance, ça se bouscule un peu au portillon selon la formule consacrée. Tout se passe bien jusqu’au début de l’après-midi où les grappes successives embarquent et débarquent enchantées de leur voyage entre ciel et terre.
C’est alors qu’un individu de forte corpulence, voulant entrer dans une cabine surchargée, provoque une violente bousculade occasionnant un déraillement de poulies sur le câble porteur, ce qui entraîne immédiatement l’arrêt du téléphérique. Près d’une centaine de personnes sont bloquées dans les bulles provoquant la panique à l’intérieur de celles-ci.
C’est le week-end et il est difficile de trouver des techniciens pour dépanner. L’exploitant décide donc de faire appel aux pompiers qui, malgré toute leur bonne volonté légendaire et leurs grandes échelles, ne peuvent rien faire.
Ce jour-là, étant de permanence à la Base du Versoud en compagnie du pilote Claude Bruxelles, nous sommes appelés vers 16h15. Pendant que je conditionne ma machine en version treuillage pour intervenir rapidement, Claude informe notre Chef de Base Michel Aubert qui nous rejoindra par la suite sur la plate-forme du site d’intervention, devant le restaurant "Per Gras" dont le gérant est toujours jovial et disponible lors de nos appels impromptus.
Notre point de ralliement et la météo locale défavorable lors de transfert sanitaire nécessitent un relais routier de la montagne vers l’Hôpital des Sablons.
Aussitôt sur place en Alouette III et après un rapide briefing avec nos amis pompiers du GRIMP 38, nous commençons les premiers treuillages. Un léger vent de travers entraîne une position défavorable pour atteindre les cabines. Il nous faut déposer le premier sauveteur sur le dessus de l’une d’elles afin de rassurer d’abord les passagers. Il faut ensuite atteindre le système de déverrouillage d’ouverture des portes permettant ainsi l’accès du second sauveteur qui conditionnera tout ce petit monde pour l’évacuation.
Claude, le pilote, manquant de références solides malgré notre dialogue incessant, décide de se positionner à cheval sur le câble porteur afin d’obtenir un stationnaire correct. A ce niveau, pas de problème d’altitude de poids de charge ou de température ; tout s’enchaîne normalement au cours des posés successifs des naufragés. Une relève des sauveteurs est effectuée : le chef Bordet, mon compagnon de misère, prend le relais, Michel Aubert vient assister Claude, de sorte que pendant plus de deux heures, une cinquantaine de personnes
de 2 à 82 ans est secourue dont une religieuse, et un chien. Ce dernier a d’ailleurs bien failli créer l’incident : en effet son maître, ne voulant pas se séparer de lui au cours du treuillage, décide de le garder dans ses bras et par sécurité se passe la laisse autour du cou ! Ce qui devait arriver arriva : au moment de l’extraction de la cabine, le stress provoqué par l’action brutale lui fait lâcher Médor qui heureusement n’est pas un molosse car le maître manque d’être étranglé par le poids de la bête. Cette fois-ci les incantations de la bonne sœur ont été entendues, tout se termine bien. Quant à nous, après avoir calmé les plus stressés, donc dangereux à bord, et admiré les plus imperturbables, nous nous apercevons que ce jour-là nous avons joué
à guichet fermé pour ramener tout le monde sur la terre ferme et surtout sans victime.
Il y eut un grand retentissement dans les médias, avec des photos, des reportages et même des images humoristiques à la Dubout par Jean Brian. Paradoxe de l’info pour un secours banal, certes spectaculaire, mais sans difficulté particulière si l’on compare à un secours sur une paroi verticale dans le Massif de la Meije ou du Mont-Blanc.
Oublions notre petit problème d’ego, sans doute dû à la fatigue, ce qui comptait, c’est d’être à l’heure au rendez-vous car la vie humaine n’a pas de prix.
Après quarante cinq jours environ de mise au point, le téléphérique de la Bastille reprenait sa noria de « Bulles » tandis qu’après seulement 1h30 de technique, notre Alouette était de nouveau opérationnelle !
Messages
19 juillet 2013, 16:40, par Max
Oui, je m’en souviens très bien, les treuillages étaient impressionnants vus du bas.
De plus ça avait créé une sacrée pagaille dans Grenoble.
14 janvier 2014, 18:48, par Erié Yves
Bonjour tout le monde,
Je tombe sur le site par hasard, j’ai la gorge qui se noue, à l’époque... c’était le 18 septembre 1976, jour de l’inauguration de l’appareil, j’avais alors pratiquement 18 ans et j’étais posté en "renfort" pour l’embarquement des passagers en gare motrice, du reste je suis toujours à la Régie du Téléphérique... Je me souviens de cet hélicoptère et de ses "gars" qui effectuaient les rotations, entre les câbles, sur le glacis de la Bastille, il y avait du vent effectivement... ce "puissant" ballet de cette Alouette III, vous ne pouvez pas savoir le bonheur de ce soulagement que vous nous avez apporté...
Puis en 1982, j’ai effectué mon service national sur la base du Versoud avec ces Alouettes II & III... et là j’ai tout compris au sens de vos missions. Vous participez assez souvent à nos exercices annuels de sauvetage avec le GRIMP... vous passez très régulièrement au-dessus des câbles pour des missions, et chaque fois j’ai une pensée et vous lâche un petit coucou...
Voilà, simplement merci à vous tous...
Tiens ce matin, il y avait un hélico qui effectuait du portage sur le site de la Bastille...
Maintenant je vais découvrir le site...