En relisant les mémoires de mon ami Francis Delafosse* et son témoignage d’une époque révolue, sur le site Helico-Fascination, je me suis particulièrement intéressé à son article concernant le stage de survie-mer effectué au Groupement Hélicoptère de la Protection Civile.
Il me vient alors l’idée de rendre hommage à notre compagnon René Montini, responsable de ce stage, de l’encadrement, de l’essor et de la qualité de ce dernier. Son rayonnement fut longtemps une référence, dans le milieu maritime de France et le public toujours au rendez-vous dans le port de Nice où les commentaires allaient bon train lors des exercices.
Originaire de Nice, René enfant rode beaucoup sur le port ; les bateaux, les marins, la mer, l’horizon, la plongée, alimentent son imaginaire, il sait déjà où il veut aller « Je serais marin » dit-il.
Sa famille, réticente au départ, cède devant la motivation tenace. En 1952, à dix-huit ans et quelques jours, René signe son contrat dans la "Royale", enfin son rêve se réalise. Une formation classique débute pour lui, Hourtin, Rochefort (École des Mécaniciens d’Aéronautique) à la suite de quoi une première affectation en flottille Hydravion et un premier embarquement sur porte-avions.
Il se fait alors remarquer par son sang-froid et ses aptitudes en natation, la Marine nationale a besoin de plongeurs. Ce sera donc le centre de formation de Saint-Mandrier où il devient nageur de combat et se retrouve à nouveau sur porte-avions sans espoir de venir sur Hélico !
Mais la destinée veille. Proposé, au vu de son cursus, sur un stage de Chef de pont d’envol qui le destinera aux responsabilités multiples. La sécurité doit être totale sur un aéroport flottant accueillant trente aéronefs et 2000 personnes embarquées, exposées aux risques majeurs d’incendies. À bord, des Piasecki HUP-2 (bi-rotors) indicatif "Pedro",
la surveillance est assurée en cas de crash lors du décollage et appontage sur porte-avions.
2 décembre 1959 : jour sombre de l’histoire avec 430 disparus et des dégâts considérables. Le barrage de Malpasset vient de céder sous la poussée des eaux. Le porte-avions, Le Lafayette, au port de Toulon, reçoit l’ordre de faire route sur la rade de Saint-Raphael–Fréjus pour porter aide et assistance ; le sort futur de René va se jouer là.
Dans sa nouvelle fonction, il voit tout, sait tout et doit faire face à tout. La charge est lourde et des plus contraignantes. Pour sa famille, peu de temps disponible, il commence donc à rêver d’autres choses ; sa rencontre avec le Lieutenant Gérard Frommweiler,
Chef du détachement Protection Civile Hélicoptère va lui permettre de concrétiser ses désirs.
La rupture du barrage a nécessité l’envoi immédiat d’une assistance aérienne du GH récemment créé, mais l’accueil à la BAN de Fréjus est impossible, en cause sa submersion totale sous les sédiments. L’avitaillement est donc assuré par Le Lafayette et la petite noria, composée de deux Bell 47 G2 (dont le F-BHMG) et une Alouette II (F-BIFM) venue de la Base de Grenoble-Eybens, apponte régulièrement sur le porte-avions. Au cours d’une de ses haltes techniques, le Lieutenant Frommweiler suggère à René d’intégrer le GH par l’une des "passerelles possibles" (Pompier de Paris, BSPP, la Police Parisienne ou les CRS). Pour notre ami, ce sera le stage CRS à Sens et une première affectation au GH en 1961.
En 1962, c’est l’ouverture de la Base Protection Civile sur l’Aéroport de Nice. Pour René, c’est le "nœud gordien", il est à nouveau chez lui, à force de bataille, dans ce qu’il a toujours rêvé d’être en tranchant dans le vif.
Avec Christian Graviou, Louis Maret et le Capitaine Verdier comme Patron, ils sont chargés de mettre en œuvre une Alouette II toute neuve équipée d’une échelle de corde pour secourir les gens (inconcevable de nos jours).
Dès lors, il n’aura de cesse, avec le soutien de son Chef et ses fidèles compagnons parmi lesquels le Capitaine des Pompiers Arlot, ses adjoints Toumagnan, Dépo et le Père Paul, pour mettre ses compétences au service de tous. Qui d’autre que lui en toute discrétion ne pouvait remplir ce challenge en partant de rien ! Voici donc l’histoire.
La Marine, les gens de mer, plaisanciers ou professionnels ont toujours eu la hantise des disparitions par crash et naufrage et le GH, dès ses premières bases mer, ne fait pas exception.
Aussi les premiers stages de survie et accoutumance en milieu hostile sont mis en place afin de limiter le facteur émotif, les hypothermies, hydrocutions et noyades. Toutes les techniques sont enseignées pour le soutien psychologique, pour savoir s’alimenter, boire, se repérer, se signaler et accéder aux canots de survie. Ce qui n’est pas du tout évident en cas de blessures et traumatismes importants.
René dispose de tout ce savoir pour le transmettre, mais n’a uniquement à sa disposition qu’un vieux siège d’hélicoptère sur lequel sont sanglés les participants qui sont ensuite "balancés à la flotte" sans autres formes de procès ; les réactions sont vives parfois ! René est très à l’écoute et décide donc avec l’aide de la base de Marignane de contacter l’Aérospatiale pour récupérer une cabine déclassée afin de
permettre une simulation d’immersion réelle. Contre toute attente, il obtient satisfaction et récupère cette dernière. Pour l’anecdote, beaucoup ignoraient que cette cabine avait fait partie d’un aéronef abattu au Liban.
Toujours dans l’idée d’avancer avec son réseau de compagnons Pompiers de la caserne Magnan, c’est une cabine entièrement fabriquée par l’un deux qu’apparaît le simulateur "Canadair".
Ce sera ensuite sur le puits de douze mètres de profondeur que sera installé un dispositif de siège guidé sur rail équipé d’un frein permettant ainsi une simulation de
crash parfait. Je me souviens que certains d’entre nous, lors de l’immersion, totalement paniqués et leurs cheveux sortants encore de l’eau, avaient déjà bloqué le frein sous prétexte de barotraumatisme.
La piscine Jean Médecin équipée de son puits de "l’angoisse" nous restera en mémoire. Sa fréquentation nous familiarisait avec l’eau et ce puits nous permettait de dépasser plus aisément notre appréhension.
Le port et la gloutte, c’était le spectacle… Francis a largement abordé le sujet (cliquez ici pour en savoir plus).
Nous étions hébergés à l’ancien "Grand Séminaire" où nous suivions des cours avec un médecin concernant les différents problèmes physiques causés par la pression, les risques encourus, passage au caisson hyperbare, etc… Pendant ce temps, les combinaisons néoprènes séchaient au soleil. Lorsque ce dernier était absent rarement), il fallait se faire violence pour renfiler cette peau protectrice, souvenir mémorable dans une carrière bien remplie, merci René.
L’après-midi, c’était entraînement au large en tenue de vol, gilet de sauvetage "Mae West", masque-tuba, fluorescéine pour les plus aguerris. Pour les autres, avec le père Paul, c’était initiation nage, endurance et essai de la position canard en plongée ; quelle patience, le saint homme !
Pour ma part, j’ai dans ma carrière survolé une partie de l’Afrique du Nord, le Sahara, le territoire français, ses îles et archipels. J’ai volé au-dessus des plus beaux sites de l’atlantique à la méditerranée y compris l’Île de beauté.
Par beau temps, ce fut un confort et un plaisir de milliardaire ; quelques frayeurs aussi : collisions évitées avec les "Crusader" à Landivisiau et les planeurs en montagne. Mais les pires angoisses étaient et resteront le survol maritime, au cours desquelles nous voyons en Raz de Sein, des creux de cinq à six mètres et les hélices des bateaux des ligneurs de bars, tournant dans le vide, telles girouettes au vent, le tout au milieu des récifs de hauts fonds ; quel cran les bonhommes ! |
René a œuvré jusqu’à sa retraite, puis en 1992 le puits de la piscine de Magnan à Nice devant être remis aux normes suivi d’un coût soi-disant exorbitant des stages, ont nécessité leurs transferts à Vannes (Morbihan) sous la houlette des pompiers locaux. M. Pierre Leclerc a assuré la responsabilité pendant un an, passant le relais ensuite à M. Christian Dausque.
Témoignage au nom de la référence, pour la "relève", en souvenir du dévouement, de la transmission des compétences, esprit pionnier de bâtisseur de M. René Montini pendant ces trente années.
Honneur, engagement, disponibilité furent ta ligne de vie, merci René !
Marc LAFOND
(*) Cliquez ici pour lire les récits de Francis DELAFOSSE.
• Cliquez ici pour écouter René MONTINI racontant son métier au fil de sa carrière.