Quand la voie des airs mène sous terre

Publication : 14/06/2015 Auteur(s) : François

La Base Sécurité civile, les hélicos Dragon 131 ou 132 ou les interventions sont parfois des lieux de rencontres improbables et inattendues.
Ce secours fera l'objet d'un article dans le journal local "La Provence" du 4 novembre 1987 - Article DR collection François BOURRILONCe dimanche 1er novembre 1987 lorsque, à 13h30, le CODIS (Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours) nous met en alerte, je comprends tout de suite que l’on part pour une belle aventure mais ne sais pas qu’elle va m’offrir la chance de rencontrer un milieu où solidarité, générosité et détermination permettent de transcender l’efficacité.

On part pour le Briançonnais où un jeune spéléo expérimenté a été victime, la veille à 23 heures, d’un éboulement de trémie. Il se trouve à moins 250 mètres et souffre d’une fracture du bassin.
Les équipes de secours sur place font appel à des renforts en spéléologues et médecins.
Bien que régulièrement entraîné au secours en milieu vertical (montagnard ou industriel), j’avoue tout de même dès le début mon inexpérience en pratique spéléo. Je connaissais toutefois très bien les particularités relatives à la prise en charge de victimes en milieu sous-terrain avec les risques d’hypothermie, de décompensation sévère, de blessures apparemment bénignes, de survenue rapide d’ulcère de stress…
15h30, nous prenons en charge à bord de Dragon 132, au Centre de Secours des Pompiers de Martigues, Daniel M., Conseiller technique national du Spéléo Secours Français, Yannick T., une collègue médecin pratiquant la spéléo mais n’ayant pas d’expérience en urgence et nous embarquons des « cantines » de matériel Le Spéléo Secours Français des Bouches-du-Rhône où ce matériel était gardé en réserve .
La marche d'approche - Photo collection François BOURRILLONJ’ai très souvent l’occasion de survoler les Alpes (Sisteron avec sa citadelle si belle vue du ciel, la montagne de Lure avec la rupture du massif générant souvent des turbulences attendues avec « gourmandise », le chantier de l’autoroute des Alpes…) et je prends toujours autant de plaisir à contempler ce spectacle.
Ce vol sera surtout l’occasion de faire connaissance avec Daniel, de mettre toutes cartes sur table afin de donner à l’équipe le maximum de chances de succès. Le courant passe tout de suite entre nous.

L'Alouette 3 F-MJBO vient effectuer une nouvelle rotation - Photo Presse DRArrivés au col du Festre et posés au PC, nous sommes (Daniel, Yannick et moi) immédiatement pris en charge par une Alouette III de la gendarmerie pour être déposés à l’entrée du gouffre où nous prenons contact avec l’organisme sur place.
Après discussions avec l’équipe qui dirige les secours, Daniel nous fait part de la décision de ne pas engager de médecin du 13 ce soir-là. C’est un peu déçus que nous embarquons pour retourner au col du Festre où nous passerons la nuit.

Lundi 2 novembre : Réveillé tôt, je suis très vite informé que l’organisation préfère accompagner un urgentiste plutôt que d’amener un médecin auprès du blessé pratiquant la spéléo mais non rompu à l’urgence. Yannick devra donc rester dehors et je remplacerai, auprès de la victime, le Médecin du 05 qui se trouve déjà à ses côtés ; son état semble stabilisé.
L'entrée du gouffre - Photo collection François BOURRILLONLes conditions météo ne permettent pas de décoller (Hé oui, cet outil qu’est l’hélico, a ses limites !) et c’est après une marche d’approche de deux heures que j’arrive à l’entrée du « trou ».
Premier contact avec les spéléologues qui vont m’accompagner, j’ai tout de suite confiance en l’équipe qui va m’encadrer pour la descente. Il est convenu que je n’apprendrai les techniques de remontée qu’une fois en bas...
Une tenue spéléo enfilée, le baudrier ajusté, quelques explications sur le descendeur, les cordes dynamiques, la lampe à carbure, la technique pour tirer son sac… puis, une fois informé qu’il y aura quelques passages délicats (« fractio plein pôt » !), un méandre étroit qu’il faudra dynamiter pour permettre la remontée du brancard...), nous voilà partis dans le noir, le froid et l’humidité.

La descente se passe bien, et c’est quelques heures plus tard que j’arrive dans une immense « cathédrale » au fond de laquelle raisonnent quelques voix.
Les spéléologues s'équipent avant de descendre "au fond" - Photo Presse DR collection François BOURRILONPremier contact avec la victime, une « relève » avec le médecin épuisé par les 24 heures passées à aider le blessé à supporter l’épreuve.
Je découvre une fabuleuse solidarité au sein de l’équipe à tel point que lorsque vers 19 heures, alors que le blessé a une petite baisse de moral et exprime une demande « un peu particulière » tout est mis en œuvre pour qu’un de ses copains remonte avant de revenir quelques heures après avec de la musique auvergnate, de la soupe de tomates et des Astérix afin de répondre à la demande de la victime !

L'Alouette III Dragon 131 F-ZBDJ a été appelée en renfort au gouffre du Maramoy - Photo collection François BOURRILLONOn apprend le lendemain matin que l’équipe de dynamiteurs a achevé son travail de désobstruction du méandre (à coup de micro charges d’explosifs). Le brancard spéléo va enfin pouvoir passer.
Pendant ce temps-là, Dragon 132 faisait des rotations afin d’acheminer sur place matériel et personnels de relève.
Mardi 2 novembre en fin de matinée : un Médecin vient me remplacer ; il accompagnera la victime pour la remontée.
J’apprends la technique du Jumar au pied de la paroi, commence à pédaler comme un fou sur cette corde dynamique et après quelques heures de remontée qui se passent bien, je retrouve la lumière du jour.
Embarquement du blessé à bord de Alouette 3 F-MJBO de la Gendarmerie - Photo collection François BOURRILLONLorsque le brancard sort de terre, c’est un blessé stabilisé en « bonne forme » qui a le temps de me sourire avant d’être embarqué à bord de l’Alouette bleue.
Celle-ci décolle sous les applaudissements de la centaine de secouristes qui ont uni leurs efforts pendant plusieurs jours dans le seul et unique but : extraire un blessé dans les meilleures conditions.
Bel instant d’émotion où il est difficile de retenir ses larmes…
L’Alouette III disparaît au fond de la vallée, la turbine de Dragon 132 démarre et l’équipe rentre au complet à la Base.
Encore un exemple de solidarité entre différents corps : les pompiers, les gendarmes, la Sécurité civile, le spéléo secours français…

Je deviendrai par la suite médecin du Spéléo Secours Français des Bouches-du-Rhône et participerai à plusieurs exercices dont un au gouffre du Maramoy (dans le Var) qui se terminera par une intervention réelle lors de la chute d‘une grosse pierre sur l’épaule de la jeune femme qui « jouait » la victime dans le brancard lors de l’exercice.

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