Durant l’été 1982 (entre le 1er juillet et le 10 août), une équipe de tournage japonaise a réalisé un reportage sur les secours chamoniards à l’aide d’une caméra 16 mm. C’était le temps des Alouette III de la Gendarmerie (F-MJBL) et de la Sécurité civile (F-ZBBQ) sur la DZ des Bois de Chamonix. Des images rares, tournées en conditions réelles, au plus prêt de l’action des secouristes.
1ère partie du film - durée 44 minutes - résolution 640x512
Machines présentes à l’image
• Alouette III F-MJBL Gendarmerie • Alouette III F-ZBBQ Sécurité civile,
• SA 315B Lama rouge F-GDCZ • SA 315B Lama blanc F-____.
Témoignage
À Paris, au cours de leur réunion annuelle en 1982, les Chefs de Base et Responsables Mécaniciens du Groupement Hélicoptère de la Sécurité Civile s’apprêtent à regarder un film présenté par Roger Colin de la Base d’Annecy.
Notre principal étonnement vient du fait que cette production a été réalisée quelque temps auparavant par des cinéastes japonais avec l’aide d’un second hélicoptère pour pouvoir capter des images de secours bien réelles.
L’intérêt que pouvait porter un pays étranger à certains d’entre nous dans la mise en valeur de notre profession captait toute notre attention.
C’est dans cette ambiance cinématographique que je découvre vraiment ces fameux secours en montagne dont on nous parle régulièrement dans les médias.
Je venais d’avoir eu connaissance d’une demande de volontaire en qualité de Mécanicien/Sauveteur/Secouriste à Annecy pour compléter l’effectif suite au départ en retraite de Gilbert Mezureux. Méconnaissant totalement le milieu montagnard, j’hésitais encore un peu à répondre. Les images que je venais de voir, mais surtout mon entretien qui en suivi avec Michel Lamousse de la Base de Grenoble (décédé dans un accident d’hélicoptère en 1984) finira par me rassurer et conforter ma décision. En effet, me lancer dans l’idée d’appartenir peut-être un jour à ces équipages qui forçaient mon admiration et parmi lesquels, la fonction de Mécanicien de Bord trouvait là toute son optimisation, était loin de me déplaire.
On peut assister dans ce film en situation réelle, au sauvetage effectué par une Alouette III (F-ZBBQ) pilotée par Michel Durand et munie du treuil électropneumatique (câble acier de 25 mètres) aux mains du treuilliste Noël Rivière. Cette disponibilité de longueur se trouve très peu performante pour les secours en paroi et cela oblige le pilote à se positionner très près des parois rocheuses. La verticale parfaite est rarement obtenue et oblige le treuilliste au balancement de l’extrémité du crochet câble pour pouvoir atteindre sa « cible ». La difficulté est maximum lorsqu’il y a, à la fois, le balancement et le tournoiement sur elle-même de la civière hélitreuillable et je confirme que pour avoir personnellement vécu l’expérience, l’inconfort de la personne fixée à l’intérieur est total.
Déjà stupéfait par le courage des M.N.S. de la côte Atlantique, le travail des sauveteurs du PGHM de Chamonix me remplit davantage encore d’étonnement et d’admiration.
Aux premières loges à bord de l’hélico, il m’arrivait de voir les impacts de chutes de pierres leurs frôlant parfois les oreilles, comme si quelqu’un s’amusait à leur tirer dessus.
Nous avions toujours cette anxiété de ne pas pouvoir être en mesure de les récupérer une fois la victime secourue. Les chutes de pierres, la mauvaise météo ou la proximité de la nuit pouvaient nous en empêcher. Quand je pense que beaucoup d’entre eux s’inquiètent de nous voir rejeter par le vent ou effleurer le rocher du bout de nos pales... Mais je n’aurais pas échangé un instant ma fonction avec l’un d’entre eux. J’ai été très heureux de constater dans ce film que l’un de ces sauveteurs, Henri Cazemajor, se retrouve être un peu le fil conducteur du scénario, car c’est lui qui a forcé le plus mon admiration pendant douze années passées au service du secours en montagne à Chamonix.
Ce film nous permet de découvrir également le travail extraordinaire et spectaculaire effectué par ces sauveteurs du PGHM en dehors de leur participation avec l’hélicoptère.
Aucun film ou aucun livre ne décrira jamais assez la réalité vécue à leurs côtés dans cette véritable aventure humaine qu’il m’a été donné de vivre à travers toutes ces joies et ces peines vécues dans le domaine du secours héliporté en haute montagne.
Déroulement d’une mission d’hélitreuillage avec l’Alouette III SC à l’époque du film |
Le treuil « Air Equipement » électropneumatique de 25 mètres
Il sera remplacé progressivement sur les Alouette III par le treuil électrique de 40 mètres dès le début des années 80.
En montagne, tout d’abord rangé en magasin, cet équipement ne fut pas immédiatement employé, puis, installé sur l’appareil et bâché en permanence, il sera utilisé en secours montagne pour la première fois par l’équipage Graviou-Rouet en 1967. Ayant commencé sa carrière dans le secours en mer avec l’Alouette II, il offrait beaucoup de désagréments :
• La longueur du câble est trop réduite pour le secours en montagne. L’encrassement régulier des tiroirs distributeurs oblige, en vol, à une action manuelle acrobatique pour le dépannage. Pour ce faire, un système de levier fut adapté sur ce treuil, mais seulement sur ceux utilisés par la Marine nationale.
• La ponction d’air en provenance du turbomoteur n’est pas négligeable.
• Sa sensibilité au gel est trop importante, un réchauffage antigivre est installé sur les appareils de la Gendarmerie.
• Un système de sécurité (robinet manuel qui permet la coupure de l’arrivée d’air en provenance du turbomoteur pour assurer la rotation du treuil) déjà présent sur les appareils de la Marine, fut monté sur Alouette II et III Protection civile après l’incident que j’ai vécu au cours d’un exercice de secours en mer et qui a bien failli me coûter un bras (au sens propre).
La formation opérationnelle des treuillistes est, à cette époque, assurée "sur le tas". L’expérience est parfois reçue voire recherchée auprès des collègues plus anciens.
Extraits vidéos
Mission : Hélitreuillage en brassière à l’aide du treuil de 25 m
|
Mission : Évacuation de blessés après leur récupération en plusieurs rotations d’hélicoptère. Extrait - résolution 716x562 pixels |
Merci à Noël RIVIÈRE, Yves MATHELIN, Roger EMIN et Hisashi SEKINO pour leur précieuse collaboration.
• Légende de la 2ème photo du Portfolio ci-dessous (été 1983 - Photo © Jean-Claude Stamm)
Devant les Alouette III de la Sécurité civile (F-ZBBS) et de la Gendarmerie (F-MJBL).
Accroupis, de G à D : Michel PINSSON, Sauveteur en renfort, Jean GAUTHIER
Debout de G à D : Robert PETIT-PRESTOUD, Médecin du PGHM, Michel DURAND (pilote), Dr J. FORAY, Jean-Pierre SCHULLER (mécanicien d’équipage), Dr F. SALON, Francis DELAFOSSE (mécanicien d’équipage), Roger COLIN (pilote & chef de Base), Jean-Pierre CHASSAGNE, Jean-François BRUN, Sauveteur en renfort, Dr Thierry GUICHARD, Robert PHILIPPE (mécanicien d’équipage), Jackie CHARBONNIER (pilote)
Debout en arrière-plan (ambulance) de G à D : G. TOSELLO, SP Chamonix.
Messages
17 mai 2016, 17:20, par potelle jean marie
Bravo pour ces images d’archives très rares ; A part en LIMITE DE PUISSANCE de mon ami Philippe de DIEULEVEULT pas grand chose n’a existé sur le Secours en montagne et ses intervenants. Chapeau à ceux qui ont su trouver les images et un grand MERCI
15 juin 2016, 09:56, par Mathelin yves
Depuis janvier 1989, mes jambes m’ont abandonné ; j’ai dû repenser toute ma vie dans le moindre détail. J’adorais mon métier de secouriste à Chamonix. Au fur et à mesure des années, trois ans au PGHM de Grenoble puis 9 ans à Chamonix, j’avais appris mon métier auprès de Penin, Emin et Brun. J’avais été ébloui, d’emblée, par la classe des pilotes du secours , Leplus, Simian, Franjoux, Lebon, Durand, Colin, Romet, Charbonnier, Saffioti, Boutard, Pierre et je garde, tous ces souvenirs, très présents. Ils ont enrichi ma vie.
Le décrochage de ce mode de vie « secourir » est très compliqué, encore plus quand on se retrouve en chaise roulante suite à un accident. J’ai retrouvé le ski assis après quatre années de doute, les marathons en chaise de sport, l’aviation avec une première qualification montagne délivrée à un pilote handicapé des membres inférieurs, des voyages lointains solitaires engagés, le parapente solo en chaise, l’héliski dans le Caucase en Russie, un autre dépassement de soi.
Mais ce souvenir du SECOURS reste intact. L’équipe d’ Hélico-Fascination a su réveiller un moment de ma vie douloureusement enfoui . Je vous remercie de m’avoir fait renaître toutes vos expériences même si quelques unes restent aussi tragiques pour votre corps, pour vous-mêmes, vos familles.
Je remercie plus particulièrement mon cher Francis et Christophe pour votre investissement et le traitement soigné des informations délivrées jour après jour. C’est passionnant de vous lire et de faire revivre le passé, mais aussi de mettre en lumière le présent.
Yves Mathelin
15 juin 2016, 10:59, par Mathelin yves
Oh quel oubli de taille ! pour le sauveteur sauvé que je suis, du 31 janvier 1989 par René et Nono…
Je veux parler du binôme que vous formez avec votre pilote, VOUS, Mécaniciens,
Durant l’opération de secours mais pas seulement .
Le rôle vital que vous avez dans l’entretien et la sécurité des machines, utilisées très souvent dans les pires conditions de vol.
Sans lui, sans vous, il ne se passerait rien…
Merci à Delafosse, Schuller, Rivière, Courbaron, Robert… et les autres…
Yves Mathelin
17 juin 2016, 12:06, par DELAFOSSE
Petite précision technique
Il est a noter que le treuil électrique a été affecté aux hélicoptères de secours en montagne dès 1981 en remplacement des treuils électropneumatiques de 25 m.L’expérimentation ayant révélée quelques anomalies de fonctionnement en activité opérationnelle, ils furent retirés et de nouveau remis en place plusieurs mois plus tard.