En général, les missions proposées aux équipages des hélicoptères de la Sécurité civile ne sont pas des plus poétiques. Cependant à l’approche des fêtes, en cette fin d’année 1977, et comme dans beaucoup d’autres bases en France, nous sommes parfois sollicités pour transporter le « Père Noël » au profit de l’une ou l’autre administration. Ceci peut être effectué sous réserve d’une disponibilité opérationnelle offerte en priorité aux missions de secours.
Ce matin-là, étant de service à la Base hélicoptère Sécurité civile de Bordeaux-Mérignac, une demande de ce type nous parvient souhaitant l’intervention de notre Alouette II au profit du Comité des fêtes d’un charmant village du département du Lot-et-Garonne.
En effet, les habitants du petit village de MEZIN vivent des heures un peu particulières qu’ils n’oublieront pas de si tôt. Voilà déjà une dizaine de jours que les cinq cents enfants de cette commune et des environs préparent un immense sapin avec guirlandes et pignes de toutes les couleurs. Une fête superbe est organisée à l’occasion de l’arrivée du Père Noël en hélicoptère, le tout médiatisé par la télévision FR3 Aquitaine, la radio locale ainsi que par de nombreux photographes de presse.
C’est dans ce but, qu’au cours d’un bel après-midi de décembre, nous voyons arriver plusieurs visiteurs à la base. L’un d’entre eux semble plus particulièrement destiné à jouer le rôle du légendaire personnage car il tient sous son bras le célèbre déguisement, à la fois heureux et fier d’avoir été choisi pour animer cet évènement.
Malheureusement, à leur grande stupéfaction, le Pilote chargé d’effectuer cette mission en ma compagnie, déclare tout penaud que, faute d’avoir reçu les documents d’assurance obligatoires, ce vol ne pourra avoir lieu. En effet, toute personne extérieure à l’Administration, hors mission de secours ne peut être transportée.
Surpris et désemparés par cette déclaration, nos intervenants multiplient les coups de fil aux organisateurs tout d’abord, puis auprès de la Préfecture ensuite, mais la situation reste bloquée. Le ton monte peu à peu et l’ambiance s’alourdit. Cette annulation de dernière minute est contrariante, l’évènement était pourtant prévu depuis longtemps et plusieurs milliers de personnes attendent là-bas !
Conscient de tout cela, je propose timidement de fusionner ma fonction de Mécanicien de bord avec le rôle de Père Noël. Un grand silence envahit la pièce, puis bien que peu enthousiaste, je me retrouve vêtu du somptueux manteau rouge et blanc, moustache et perruque blanches suscitant de larges sourires de contentement.
Après le décollage quelques minutes plus tard, tandis que je révise une dernière fois mon rôle, nous survolons déjà le clocher de l’église du village. Nous apercevons d’en haut une foule imposante, euphorique et ravie de nous voir enfin arriver.
L’Alouette se pose sans problème au beau milieu de l’emplacement prévu. Juste après la coupure du moteur et l’arrêt complet du rotor, je sors de l’appareil et me dirige à pas comptés vers la nuée d’enfants aux regards éblouis. Augmentant leurs cris de joie à mon approche, les plus petits tiennent chacun une lettre à la main que je récupère tant bien que mal. De nombreuses personnes âgées ont été amenées pour la circonstance et l’éclat de leurs regards n’a rien à envier à celui des plus jeunes. Les caméras et appareils photo suivent mes moindres gestes. J’embrasse les uns et les autres, distribuant bonbons et chocolats, pendant qu’un vieux haut-parleur déverse comme il peut le fameux « Jingle Bells ». Je me dis alors que « Père Noël » est vraiment le plus beau des métiers du monde, et pas seulement parce qu’il ne "bosse" qu’un seul jour dans l’année.
Mais, toutes ces choses quasi irréelles ont aussi une fin et bras levé, je fais déjà mes adieux à la foule. Puis je m’installe royalement à bord de l’Alouette en saluant encore tandis que Daniel, le pilote, effectue ses manœuvres de mise en route... malheureusement sans aucun résultat !
Décontenancé, il me dit : « Je crois bien que nous sommes en panne ». Je m’en étais également aperçu mais j’espérais qu’une nouvelle tentative aboutirait. Je dois alors me résoudre à sortir de l’appareil, la trousse de dépannage sous le bras, dans mon habit de lumière et à la grande stupéfaction de la foule devenue brusquement silencieuse.
L’ambiance festive ayant disparu, j’ai l’impression que tous les espoirs reposent sur moi… Juste le temps d’effectuer la réparation nécessaire sur une pièce vitale, à mon grand soulagement, le bruit strident de la turbine se fait enfin entendre.
Et c’est le départ ! Face à la foule, notre appareil se soulève doucement dans un souffle de poussière détournant les regards. On peux dire qu’il s’en est fallu de peu pour que je sois obligé d’échanger mon Alouette contre… quelques rennes et un traîneau !
Evidemment, le retour à la Base s’effectuera pour nous le sourire aux lèvres, tous deux très satisfaits d’avoir pu offrir un aussi joli cadeau à tout ce petit monde.
Cette mission sera pour moi la toute dernière effectuée à bord d’une Alouette II car le Père Noël a promis une Alouette III avant la fin de l’année à la Base hélicoptère de la Sécurité civile de Bordeaux-Mérignac. Si effectivement il a tenu parole, j’y suis peut-être pour quelque chose. Qui sait ?
Il y a quatre grandes étapes dans la vie d’un homme : celle où l’on croit au Père Noël, celle où l’on ne croit plus au Père Noël, celle où l’on fait le Père Noël et enfin ou l’on ressemble de plus en plus au Père Noël...
Messages
28 avril 2012, 11:27, par MONMOND MARESCA
A CHAMONIX aussi, nous aurions bien aimé voir Francis Papa Noël descendre de l’hélico !
28 avril 2012, 16:30, par DELAFOSSE
A CHAMONIX, j’aurai laissé la place en cadeau à mon confrère "Noël" RIVIERE...
Il n’aurait pas pu refuser !