Elle est la première femme pilote d’hélicoptère pour le SAMU

dimanche 12 janvier 2025

"Le ciel, c’est le plus beau bureau du monde" : Voici l’histoire incroyable de Marielle Simon, première pilote civile du SAMU en France. Un parcours hors du commun pour cette passionnée des airs. Pilote d’avion et d’hélicoptère, elle a aussi transporté des VIP, lutté contre des incendies et elle a même été victime d’une prise d’otages. Rencontre.
Sa vie est un roman, ou presque ! Marielle Simon est devenue en 2001 la première femme pilote d’hélicoptère pour le SAMU. Mais son parcours l’a aussi amenée à transporter des VIP sur la Côte d’Azur, à épauler les pompiers et les Canadair dans la lutte contre les incendies et même à se retrouver au cœur d’une prise d’otages qui aurait pu très mal tourner.

Étudiante, Marielle a pourtant commencé par une année de médecine, puis a étudié la chimie, mais le ciel l’a Marielle Simon fait encore parfois des vols civils pour le plaisir - Photo © Marielle Simontoujours attirée. Elle habite alors en Haute-Savoie et elle observe souvent, tels des oiseaux, les montées et descentes des hélicoptères : "Personne ne volait dans ma famille à l’époque. J’ai commencé des formations pour piloter des petits avions et de fil en aiguille, ma passion est devenue mon métier".

Elle suit des formations de pilote privé, avion et hélicoptère, devient en 1992 pilote professionnelle et instructrice en hélicoptère. Idem en 1993-1994, mais pour les avions. Elle passe ensuite, en 2000, le diplôme de pilote de ligne théorique et obtient la qualification Airbus 320 en 2008.

Dès la fin des formations diplômantes hélicoptère, elle est sollicitée pour devenir pilote privé, avec des missions dans le sud de la France pour assurer des liaisons : "Les vols ne durent pas longtemps, mais les spots sont différents à chaque fois, c’est ce que j’aime dans ce métier. La différence avec un avion, c’est que l’on s’affranchit de la piste pour décoller et atterrir. Piloter un hélicoptère, c’est plus ludique qu’un avion. Et puis c’est aussi le plus bureau du monde, le ciel".

Pour la petite histoire, sachez qu’elle a fait deux saisons à bord d’avions commerciaux, "mais je devais prouver, presque à chaque fois, que je méritais ma place en tant que femme".

Pilote pour le SAMU
Souriante et discrète, Marielle Simon est aussi une personne déterminée. Elle veut intégrer les rangs des pilotes d’hélicoptères pour le SAMU : "C’est mon côté Saint-Bernard, l’envie d’être utile, aller vite pour sauver des vies… Piloter des gros avions, c’est plus commercial, il y a moins la notion d’équipe". Car c’est ce qu’elle aime, voler en équipe, même si aux commandes de l’hélicoptère, elle est seule à décider.

Ce n’est pas simple de devenir pilote pour le SAMU ; à l’époque, au début des années 2000, il faut 1 500 heures de vol et avec des liaisons entre deux villes ou deux sites qui sont souvent courtes, il faut beaucoup d’années pour y arriver. Mais elle réussit, et devient alors en 2001 la première femme pilote pour le SAMU.

"C’est le pilote, et lui seul, qui décide s’il peut accomplir la mission"
Marielle explique : "On ne sait jamais de quoi va être faite la journée. Au SAMU, on enchaîne les jours de permanence, généralement sept jours, sept nuits d’affilée. La prise de décision est très importante. C’est le pilote, et lui seul, qui décide s’il peut accomplir la mission. Pour ne pas nous influencer, on ne nous dit pas le contenu de la mission, si c’est un homme, une femme, un enfant, ni l’urgence, surtout lorsqu’il faut choisir entre un vol et un autre."

"Cela peut aussi être un transfert d’hôpital à hôpital, poursuit-elle. Le pilote doit prendre sa décision par rapport à la météo, aux conditions de vol, car souvent, on vole à vue." Marielle précise qu’en cas de refus, le patient pourra être évacué par la route (NDLR : ce qui était plus délicat lorsqu’elle était basée à Créteil, en raison des embouteillages autour de la capitale).

À chaque sortie, c’est le même scénario : le contrôle pré-vol de l’hélicoptère et la prise de décision de décoller ou pas : "La prise de décision peut parfois être plus longue si on est appelé la nuit. Souvent, on dort, il faut sortir l’hélico, ce qui fait qu’il peut y avoir 3 à 15 minutes de temps entre l’appel et le décollage. Mais vous voyez, cela reste très rapide."

Il est bien loin le temps où elle transportait des touristes, des VIP, sur la Côte d’Azur… Aujourd’hui encore, elle est au service des équipes médicales avec lesquelles elle aime travailler : "Nous formons une équipe, nous avons une mission commune, certes dans un espace exigu, mais notre but est de sauver des vies". Il y a parfois des cas très difficiles, "c’est notre univers et cela nous ramène à ce que l’on est, des humains".

On lui demande souvent, lorsqu’elle est en intervention au sol, où est le pilote, et elle a bien sûr des anecdotes à raconter en pagaille ! Mais son métier lui a valu aussi de grosses frayeurs.

Victime d’une prise d’otage
Remontons à 2001. Marielle, alors pilote dans le privé, effectue pour son entreprise des baptêmes de l’air. Nous sommes un dimanche de mai, jour de la fête des Mères. Alors que ses passagers débarquent pour la visite programmée d’une abbaye dans les Yvelines, trois hommes habillés en noir arrivent et l’un d’entre eux lui dit : "T’as pas de bol ! D’habitude, c’est des hommes, et aujourd’hui c’est sur toi que ça tombe. Tu vas jouer les filles de l’air".

Preuve qu’ils ont fait du repérage avant le jour J. Une arme braquée sur la tempe, elle est obligée de décoller. "À ce moment-là, c’est mon instinct de survie qui m’a fait agir. Je ne voulais pas mourir, je voulais revoir mes enfants". Les passagers restés au sol préviennent son employeur, qui avertit les forces de l’ordre qui appellent le SAMU de Créteil pour les prévenir. Son mari, pilote d’hélico lui aussi, travaille là-bas, et c’est lui qui reçoit l’appel téléphonique. Il va vivre cet événement de l’extérieur, avec beaucoup d’angoisse, d’attente.

Marielle, aux commandes de l’appareil, doit se rendre à la prison de Fresnes, car les individus qui ont embarqué veulent faire évader un prisonnier. Ils lui disent de ne pas mettre de casque, ni de radio. Une fois sur place, cela ne se passe pas tout à fait comme prévu. Du mirador, on tire sur l’hélicoptère, les hommes ripostent, jettent un sac avec des gilets pare-balles et des armes. La personne assise derrière Marielle est blessée, il y a peine 30 cm entre eux deux !

À ce moment précis, elle est en vol stationnaire avec son hélico, un truc accroché en dessous, sans savoir ce que c’est (elle découvrira plus tard qu’il s’agissait d’une corde avec une échelle attachée). Elle se souvient :"Mes jambes ont, je l’avoue, joué des castagnettes et j’ai alors agi en tant que commandant de bord en leur disant : « Stop, vous n’y arriverez pas, il faut partir, aller se poser  »". C’est ce qu’elle fait, elle atterrit dans un stade de la ville de L’Haÿ-les-Roses où les individus la menottent à son hélicoptère : "Ce jour-là, au niveau de l’hélico, c’était fin de la partie. Je dis toujours que j’ai eu une extra-balle".

Pour la petite anecdote, son employeur de l’époque lui a demandé, quand il a su qu’elle était indemne, si elle pouvait quand même accomplir sa mission suivante : aller chercher Luc Besson. Bien sûr, elle a répondu non, car outre les questions des forces de l’ordre auxquelles il fallait répondre, l’hélico était HS, avec un trou dans la carlingue !

Lutter contre les incendies
Marielle Simon à Salon-de-Provence pour la lutte anti-incendie en 2017 - Photo © Marielle Simon"J’adore changer d’endroit, la richesse de notre métier, c’est que l’on a plein de possibilités". C’est comme cela qu’il y a quelques années, en 2017, Marielle Simon s’est retrouvée dans une compagnie aérienne d’hélicoptère en contrat avec la Sécurité civile. La voici à Salon-de-Provence à éteindre les feux.

Marielle précise : "On travaille avec un pompier de permanence et on est déclenché pour ce qu’on appelle une frappe petit feu, avant l’arrivée des canadair. Les hélicos font ensuite le travail de finition. Je garde un souvenir incroyable de cette expérience, de la formation avant d’aller sur le terrain, de l’expérience partagée avec d’autres pilotes, comme ceux de la patrouille de France, basée à Salon, parce que l’on n’a pas beaucoup d’occasions d’échanger avec d’autres pilotes dans les missions d’urgence."

Elle se souvient de l’accueil de la population lorsqu’elle se posait non loin de l’incendie, des applaudissements... Elle faisait alors douze jours de permanence de suite, et rentrait pour la même période chez elle. Car Marielle et son mari ont tout fait pour préserver leur vie de famille et n’ont jamais déménagé.

Gérer la vie de famille
Quand on a des parents tous les deux pilotes, la vie des enfants (ils ont deux fils), peut être parfois un peu bousculée, souligne Marielle : "Ça n’a pas été facile tous les jours, mes parents ont été un soutien extraordinaire. On a même pris une jeune fille au pair pendant deux ans, et j’ai mis de côté ma carrière quelque temps. Cependant, je rêvais que je volais comme un oiseau la nuit !".

Elle a été hôtesse au sol, à Roissy, a travaillé de nuit pour l’aéropostale, mais l’appel du ciel a été plus fort. Si Marielle me confie que ses fils n’ont jamais été déstabilisés par leurs métiers, le plus jeune, qui avait un an et demi lors de la prise d’otage de sa maman, a demandé à l’âge de huit ans à voir un psychologue. C’est bien sûr cet événement traumatisant qui est ressorti.

Aujourd’hui, ils ont 28 et 25 ans, l’un voulait consacrer sa vie au sport, le second s’orientait vers une école de commerce. Devinez ce qu’ils font ? Ils sont tous les deux pilotes de ligne ! "Comme quoi, nos carrières ne les ont vraiment pas du tout perturbés !" (rires).

[  Cliquez ici pour voir le reportage "Hauts Féminin" où Marielle Simon est interviewée par Marie Sicaud (avec Yves Duparc, également pilote, en duplex depuis le Maroc) - Photo France 3>https://www.france.tv/france-3/hauts-de-france/hauts-feminin/6840472-marielle-simon.html] Alors que Marielle Simon va quitter son poste au SAMU d’Arras, direction celui de la Haute-Savoie, (NDLR : au moment où nous avons échangé, elle était en pleine formation, car elle va piloter un nouvel hélicoptère), elle termine en disant : "Il faut aller jusqu’au bout du rêve, même si le parcours peut être difficile, chaotique, cela vaut le coup de tous les sacrifices". Source : france3

 Cliquez ici pour voir le reportage "Hauts Féminin" où Marielle Simon est interviewée par Marie Sicaud (avec Yves Duparc, également pilote, en duplex depuis le Maroc)

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