Guyane : Le paradoxe hélico...

Publication : 25/04/2016 Auteur(s) : Patrick

Une des nombreuses « criques » © Patrick GISLEEntre ruines de bagne du 19ème siècle et Centre spatial ultra-moderne, la Guyane, "Terre d’eaux abondantes" en Arawak, entretient son ambivalence entre tradition et modernité.
Avec sa forêt et ses mines d’or, elle véhicule aussi toujours mythes et légendes et se plaît à cultiver les paradoxes. Le travail aérien en hélicoptère n’échappe pas à cela.

En une trentaine d’années, ce département parmi les moins peuplés s’est retrouvé un des mieux dotés en hélicoptères civils ou publics. On dénombre quatre sociétés de travaux héliportés, deux hélicoptères pour le SAMU, une Section Aérienne de Gendarmerie avec deux appareils et une base de la Sécurité civile équipée de son Dragon 973. Survol du "persil" de la canopée guyanaise © Patrick GISLE On peut aussi ajouter la Base aérienne 367 de l’Armée de l’Air qui dispose de cinq Puma et de trois Fennec.

Dès que l’on quitte la bande littorale large de quelques kilomètres et longue de 350, on se retrouve en forêt amazonienne primaire, laquelle couvre 90 % de ce grand territoire équivalent à un sixième de métropole (86 000 km²). Avec un réseau hydrologique très dense et de nombreux reliefs, la forêt est tout de suite impénétrable. Il n’y a plus de route et rares sont les pistes. Les trajets en pirogue, toujours très pratiqués, restent longs et encore souvent hasardeux.
Chargement du 1er jour à bord de l'AS350 B2 F-GKYG © Patrick GISLEMalgré plusieurs aérodromes existants le long des frontières avec le Surinam ou le Brésil et dans le centre, seul l’hélicoptère peut couvrir rapidement en tout point et par tout temps le plus grand département français pour transporter rapidement hommes et matériels.

Si l’on comprend facilement le besoin d’hélicoptères pour les Services publics de secours dans un tel environnement, la présence de quatre sociétés privées de prestations héliportées avec douze appareils interroge.
Certes, il y a les organismes publics, les municipalités et les entreprises qui œuvrent pour ces derniers, mais avec uniquement vingt-deux communes et 95 % des habitants sur la bande littorale, ils ne sont que le second affréteur d’hélicoptères.
Le principal client pour celui dont le nom le prédestinait à ce pays, l’agile et infatigable Écureuil AS350, c’est l’exploitant de mine d’or.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir et visualiser les différents trajets des missions - Carte La Guyane © DR Le premier site aurifère découvert en 1855 entraîna une ruée vers l’or au début du vingtième siècle avec l’exploitation de milliers de mines pendant plus de 130 ans le long des centaines de rivières. La pirogue était alors l’unique engin de transport. Dans les années 80, un opérateur de travaux héliportés, Heli-Inter, reprit et développa l’activité créée par deux pilotes, ce qui permit l’ouverture de nombreuses nouvelles mines éloignées des cours d’eau navigables. Aujourd’hui, plus de 75 % des sites miniers n’existeraient pas sans l’hélicoptère, seul moyen de transport possible en personnel et surtout matériel. Avec une moyenne de 100 à 150 mines officielles et 70 sociétés d’exploitation, on comprend donc mieux le marché de plusieurs milliers d’heures de vol annuelles faisant tourner les AS350 B2 et B3 basés autour de l’aéroport de Cayenne. Même les mines ayant un accès par pirogue ou piste carrossable ont recours à l’hélicoptère pour des approvisionnements rapides de pièces détachées, de vivres ou de médicaments et pour des retours de production. Prêt au départ pour la mine © Patrick GISLE Pour une mine uniquement accessible par les airs, l’hélicoptère est le troisième poste de dépense avec les rotations de gasoil, du personnel et de vivres. Rien que le gasoil peut représenter 50 heures par mois.

Le "paradoxe hélico" de Guyane se retrouve aussi dans les conditions de vol où l’extrême et la démesure sont quotidiens.
Quand une mise à disposition sur un site, c’est-à-dire le trajet entre la base de l’appareil et la zone de départ de travail est de quinze minutes dans l’hexagone, comptez au moins le double, soit 110 km, près de l’équateur français. Quand un acheminement dure quatre à six minutes pour l’aller-retour à un refuge des Alpes, comptez plutôt de 30 minutes à 2 h 30 au-dessus des arbres. Quand un bon pilote effectue 150 rotations par jour le long d’une voie ferrée en métropole, deux "aller-retour" de 2 h 30 avec 800 kg à l’élingue jusqu’à Trois-Sauts, le village le plus au sud-est, ce n’est pas si mal. Quand cinq heures au manche tous les jours vous épuiseront à Courchevel, essayez donc huit à dix heures au-dessus du "persil" amazonien…

Lac immense de Petit-Saut © Patrick GISLESi vous rajoutez l’humidité importante dix mois sur douze, la chaleur toute l’année, des grains météo très fréquents, de la pluie drue et un plafond souvent très bas, de nombreux volatiles, un repérage visuel difficile, des terrains d’atterrissage souvent exigus et difficiles à trouver, vous obtenez un cocktail très exigeant. Mais si vous intégrez que vous volez souvent sans la moindre zone de posé possible à moins de cinq minutes, soit près de vingt kilomètres, alors bienvenue dans la parfaite définition de l’hostilité aérienne.

J’ai pu découvrir la réalité des vols exigeants et engagés de Guyane grâce à Michel Beaujard, pilote émérite qui sévit depuis 1992 au-dessus des arbres et rivières. Je l’ai accompagné une semaine comme "helpeur"* en novembre 2014 et me devais de partager cela avec vous. Chargement de l'AS 350 B2 pour une nouvelle mission depuis la base de Pilot'Air Aviation à Macouria © Patrick GISLE En préambule, je vous invite vivement à découvrir le cursus et le parcours étonnant de ce pilote hors-norme, impressionnant de passion et de générosité en allant voir l’article portrait que j’avais fait sur Michel en mai 2014 (cliquez ici). Depuis l’automne 2013, l’appel de la forêt l’a fait revenir avec sa famille à Macouria, à 10 km à l’ouest de Cayenne où il est installé sur un ancien terrain ULM avec sa piste de décollage, un grand hangar et une confortable maison. Il dirige, avec son ami et associé Thierry Roche, une société de prestations de pilotage : Pilot’Air Aviation. Départ pour un sling © Patrick GISLE Il travaille pour différentes sociétés de prestations héliportées et pour des clients qui louent coque nue des appareils disponibles en Guyane comme l’AS350 B2 ou le R44 et le prennent comme pilote.
Ses missions sont très variées : acheminement de personnes et matériels en cabine, transport de charges à l’élingue comme fûts et touques de carburants, cuves, groupes électrogènes, morceaux de machines, poteaux, tuyaux... Michel est réputé pour son pilotage mais aussi pour son enthousiasme et sa disponibilité. Il totalise plus de 10 000 heures de vol à 59 ans.

Lundi 3 novembre : jour d’arrivée
Mon vol Air France en A340 s’achève avec les vingt dernières minutes dans le cockpit, atterrissage compris en mode manuel !
Départ de l'aéroport en AS350 B2 © Patrick GISLEMichel est en mission pour Yankee Lima Hélicoptères. Je l’attends dans leurs locaux sympathiquement accueilli par le mécanicien Christo. Leur B3 F-HGMC est dans le hangar avec un AS355 de l’armée en maintenance.
Sur le tarmac de l’aéroport, un Dauphin et un Écureuil de HDF bleus me tournent le dos. Deux Écureuil de même couleur jaune font jeu de miroir. Celui de face est le B2 en location coque nue que Michel est souvent amené à piloter et utilisera avec moi. En fin d’après-midi, une fois Michel arrivé, le B2 devient mon taxi pour rejoindre à 120 nœuds et en quatre minutes la base de Pilot’Air Aviation à Macouria, en limite de tombée de nuit.

Mardi 4 novembre : jour 1
Nous sommes sur le pied de guerre de bonne heure pour un aller-retour de ravitaillement par la route à l’aéroport avec cuve et fûts et pour préparer la machine. A 10 h 30, Ravito pilote & machine © Patrick GISLE le principal client du jour arrive avec du personnel et du matériel. Il s’agit de Raphaël Giovanetti, Directeur de la mine d’or de Korosibo située à 130 km plein Ouest. C’est un fidèle commanditaire de mission pour Michel. Vivres, pièces détachées et matériels divers sont méticuleusement chargés dans les soutes. À 11 h 30, les quatre passagers et le pilote m’attendent pour 35 minutes de vol. Nous quittons vite la zone civilisée de la bande littorale pour survoler la canopée vierge entre nuages, grains et soleil. Au bout de dix minutes, nous survolons l’immense et magnifique étendue d’eau du barrage de Petit-Saut, la plus grande retenue artificielle d’eau douce de France avec 500 km². Après une grosse demi-heure, nous arrivons à la mine, grosse clairière isolée de tout. Suite au déchargement, nous sommes accueillis pour déjeuner sous les grandes tentes des désormais anciennes installations de la mine. Ambiance cabine au barrage de Petit-Saut © Patrick GISLE Raphaël me fait visiter les nouveaux baraquements en dur, faits de bois exotique débité sur place dans une scierie créée pour l’occasion. Les dortoirs et les douches sont déjà installés et la cuisine et sa salle de repas en cours de finition. Tout est parfaitement opérationnel depuis et le confort pour le personnel a franchi une sacrée marche pour répondre aux standards désormais imposés pour les mines officielles. En début d’après-midi, Michel fait une rotation seul pour aller chercher à une vingtaine de kilomètres au nord, une cuve de gasoil de 1000 litres livrée sur la piste la plus proche.
À 15 h, nous repartons avec Raphaël et un passager en direction du barrage de Petit-Saut situé à 55 km à l’est-nord-est. Un survol non-stop de seize minutes de forêt nous permet de récupérer du matériel que Michel n’avait pas pu prendre la veille pour Saint-Élie, commune située au centre-nord de la Guyane. Nous faisons donc un gros crochet de 40 km vers le sud-ouest dans un cadre de vol splendide, entre eaux du lac et végétation toujours aussi dense. Nettoyage du B2 après la mission © Patrick GISLE L’arrivée sur la DZ de Saint-Élie, très exiguë, est bien sympathique. À 15 h 45, nous repartons pour 100 km vers la base avec la traversée complète d’Ouest en Est de l’étendue de Petit-Saut.
Cette première journée déjà sacrément remplie et très dense en image n’est pas finie pour autant avec le nettoyage de la machine, son avitaillement et la préparation du lendemain… Je suis alors content de gagner un bon lit avec la climatisation et la moustiquaire…

Mercredi 5 novembre : jour 2
Nous partons à 10 h, plein sud sur 80 km, pour rejoindre une ancienne mine d’or desservie par la piste de Bélizon, Vol plein sud sur 80 km © Patrick GISLElongue de 70 km. Notre destination, au point kilométrique 48 est en plein milieu de nulle part à 500 m de la piste principale, parfaitement carrossable. Deux mines en activité sont toutes proches, chacune dans une direction, à moins de deux kilomètres. Cette ancienne mine va servir de base avancée pour effectuer des acheminements de très longues distances vers la commune de Saül (110 km), en plein centre du département et le village de Trois-Sauts (230 km), tout en bas au sud-est. La mission, prévue sur plusieurs jours, est demandée par la société locale GETELEC. Après celui de Saint-Élie, c’est un important marché d’une trentaine de lampadaires solaires pour les deux communes qui se concrétise. Mine de Korosibo - © Patrick GISLE Cela nécessitera cinq jours de travail pour acheminer les poteaux, les 60 batteries de 27 kg, les trente panneaux solaires de 1.2 m x 1.2 m, les trente supports en tôle et plusieurs tonnes de sable et de ciment en sac. Nous avons rendez-vous avec un semi-remorque et un camion-grue à 11 h. A midi, ils ne sont toujours pas là et les téléphones sont inopérants. Nous attendons patiemment entourés des bruits d’oiseaux, le cadre est agréable mais la chaleur est étouffante ! Heureusement, c’est la période "sèche" et les moustiques, plutôt rares. Enfin, les camions arrivent. La journée étant déjà bien entamée, les éléments transportables en cabine sont déchargés rapidement avec le bras-grue afin que Michel puisse entamer ses rotations à vitesse maximale. Retour par le lac de Petit-Saut © Patrick GISLE Il commencera par Saül dont l’aller-retour avec le déchargement ne lui prendra qu’une heure et demie, ce qui lui permettra d’en faire deux avant le crépuscule.
En fin d’après-midi, le retour ne sera pas direct. Nous partons au nord-ouest pour rejoindre Saint-Élie à 100 km, déjà visitée la veille, afin de récupérer trois ouvriers de GETELEC qui ont fini leur chantier de lampadaires sur place. Après une arrivée dynamique au-dessus de la grande mine locale, nous embarquons rapidement les personnes et leurs sacs pour un nouveau retour à travers la retenue de Petit-Saut. Au milieu de notre survol aquatique bénéficiant d’une magnifique lumière, nous ferons un crochet de quelques minutes vers une autre mine pour récupérer un sac de matériel urgent avant de rejoindre le littoral plus accueillant et la base.

Jeudi 6 novembre : jour 3
La matinée commence par un aller-retour au GPAR (Groupement pétrolier d’avitaillement) pour approvisionner des fûts de kérosène destinés à être livrés vers l’ancienne mine de Bélizon par l’entreprise GETELEC. Puis, nous effectuons un nouveau trajet plein sud en frôlant l’aéroport Félix Éboué en survolant la région de Cacao dite le "jardin" de la Guyane par l’importance de ses productions maraîchères. Les poteaux depuis le cargo © Patrick GISLE Michel réalise à nouveau deux rotations "cabine" suivies d’une autre à l’élingue pour Saül avec six poteaux de plus de 5 m et 600 kg. Il a développé une technique personnelle pour pouvoir voler avec ses poteaux dans l’axe de la machine à environ 70-80 nœuds (130-140 km/h) : nous équipons l’arrière de la charge de deux troncs de "bois canon", espèce de fin palmier très élancé qui pousse comme du chiendent en bordure des forêts afin d’obtenir un effet girouette stabilisant les matériaux suspendus. Les photos et vidéos sont plus explicites. A chaque rotation, j’essaye de combiner ma fonction d’helpeur avec les images à faire et ça me fait bien transpirer. Pour les longues attentes, une fois les bois canon coupés et les piqûres de fourmis apaisées, je m’aménage un abri avec fûts et bâche car le soleil tape vraiment dur. J’ai des vivres et beaucoup d’eau avec moi, un poncho et une lampe frontale. En cas de non-retour de Michel à la nuit, je dois aller rejoindre une des deux mines proches pour me faire héberger…
Autant dire que je suis à chaque fois soulagé quand j’entends enfin le sifflement de la turbine Ariel 1D1 et lorsque j’assiste au retour du B2. Une toute dernière rotation cabine, de plus de deux heures cette fois pour Trois-Sauts situé à 230 km plein sud, nous fera rentrer en limite de nuit.

Vendredi 7 novembre : jour 4
Approche de la touque © Patrick GISLEMichel est en charge d’une nouvelle mission pour la mine de Korosibo mais ne peut m’emmener, faute de place à bord. Des livraisons de touques de gasoil entre la piste de la Montagne Noire et la mine séparées de 22 km, doivent être effectuées. La piste est à mi-distance entre Kourou, en bord de mer, et la mine. Je confie la "GoPro" à Raphaël pour qu’il me fasse des images. J’effectue un acheminement de kérosène, avec la cuve sur remorque, vers l’aéroport. J’en profite pour rendre visite aux équipages de la Sécurité civile basée sur place.
Visite du cockpit de l'EC145 F-ZBPZ de la Sécurité civile par son pilote Mathieu Laouenan © Patrick GISLEJe suis gentiment accueilli par Mathieu Laouenan, un des trois pilotes d’astreinte ce jour-là, qui me présente les installations toutes neuves et l’EC145 bleu, blanc, rouge (sa nouvelle livrée "expérimentale" à l’époque) de cette base toute récente créée en juin 2014.
Complémentaire du SAMU comme en métropole, la Sécurité civile intervient avec les pompiers sur des secours primaires tels que : recherches de personnes, accidents ou malaises sur la voie publique et sauvetage en mer y compris de nuit et en IFR, comme points forts.
Ancien pilote de la base de l’Armée de l’air voisine, Mathieu connaît bien la Guyane et son milieu hostile pour avoir suivi le fameux stage de survie au CEFE (Centre d’Entraînement en Forêt Équatoriale) des légionnaires et commandos. Il est donc l’homme de la situation pour m’informer des risques et des précautions à prendre dans cet environnement. En préambule, il convient, même en vol, d’être toujours équipé de chaussures montantes, pantalon et manches longues. La soute du Dragon et le kit de survie exposé © Patrick GISLE Concernant le kit de survie, indispensable à bord du moindre aéronef, ULM compris, il faut au minimum : de l’eau, une machette, des fusées de détresse et un allume-feu. À l’arrière de la soute de l’EC145, Mathieu me vide le sac de survie qui a été mis au point : il contient en plus deux rations alimentaires, un GPS portable, un gros couteau, deux couvertures de survie, une grande bâche, un appareil de filtration de l’eau, de la cordelette, deux hamacs, deux moustiquaires, une lampe frontale, deux tenues de rechange, un fusil et ses cartouches, des hameçons et du fil de pêche, du savon, du répulsif à moustiques et une trousse de premiers soins.

Avec deux kilos d’insectes au m² de forêt, du sol à la cime des arbres, vous comprenez l’impératif des chaussures montantes et du pantalon, mais aussi de l’indispensable hamac et de la moustiquaire ! La bâche et la cordelette permettront de faire un abri contre les pluies fréquentes. Ancienne mine en survol © Patrick GISLE Il conviendra aussi de se protéger de la chute inopinée de branches, premier danger de la forêt bien avant le Jaguar ou les serpents. A savoir que ce sont les bestioles les plus petites qui sont les plus facheuses : parasites, tiques et bien entendu moustiques avec les risques de paludisme et de dengue… À défaut de hamac, la construction d’une estrade avec des branches pour se surélever du sol sera impérative en y ajoutant un toit si possible (Le carbet en Guyane).
Autre détail important, votre sac sera dans le cockpit, accessible et non attaché dans une soute. Un bout de corde de rappel de 20 m minimum est également conseillé pour descendre de l’arbre dans lequel vous risquez d’être coincé, ce qui peut également vous sauver. Un stylo laser vert, repérable de nuit à 15 km, peut aussi être ajouté sans vous alourdir.

Je me rends ensuite chez Hélicoptères de France (HDF), le plus gros opérateur de Guyane basé sur l’aéroport et le seul avec un CTA (Certificat de Transporteur Aérien). Maintenance sur le Dauphin F-OOPS SAMU 973 d'HDF © Patrick GISLE HDF, dont le siège est à Gap, a le contrat SAMU H24 avec deux Dauphin dont un tout récent N3 et fait aussi toute la gamme des travaux héliportés avec trois Écureuil, un B2 et deux B3.
Michel Beaujard, concentré aux commandes de l'AS350 B2 F-GKYG, lors d'un acheminement de matériel pour la mine d'or de Korosibo sous un gros grain... © Patrick GISLEChaque pilote d’hélicoptère a développé son propre équipement de survie, plus ou moins complet suivant les vols à effectuer comme me l’explique le pilote Stéphane Pigeon. Il me précise qu’en cas d’atterrissage forcé, radio ou téléphone opérant ou pas, faire un feu sera le premier réflexe à avoir pour être localisé. Le second sera de rester au plus près du lieu d’atterrissage et de ne pas partir à l’aventure. Il me présente alors le nouveau kit sécurité qui équipe tous les appareils de la base et en général ceux de Guyane. C’est un boîtier de tracking par satellite permettant de suivre en temps réel, sur un grand écran, la position des hélicoptères en vol Dauphin et Écureuil d'HDF sur le tarmarc de l'Aéroport international Félix Éboué © Patrick GISLEet d’avoir de nombreuses informations de navigation les concernant. Je vois évoluer un des Écureuil en mission pour l’ONF. La plupart des opérateurs équipent désormais leurs machines soit en fixe soit en portatif. C’est un atout indispensable afin de pouvoir localiser, rapidement avec précision, un appareil éventuellement en détresse.
Un point très important également à prendre en compte, c’est l’hydratation (4 à 6 litres d’eau par jour et par personne) liée à la chaleur équatoriale. Posséder un équipement de purification d’eau s’avère primordial.

Samedi 8 novembre : jour 5
Michel doit effectuer une importante mission de transport de passagers pour la commune de Saint-Élie. Michel prêt pour une mission de transport de passagers - Photo collection Michel BEAUJARD L’inauguration de nouvelles installations sur la commune isolée nécessite le transport de trente personnes (officiels, journalistes…) le matin et le retour de vingt-cinq d’entre elles l’après-midi.
Nous faisons un saut à l’aéroport pour remplir le réservoir en plus des fûts et de la cuve afin de avoir tout le kérosène nécessaire pendant deux jours.
Je suis réquisitionné pour faire helpeur au sol et dois me rendre à la DZ du barrage de Petit-Saut par la route avec 600 litres de kérosène en fûts. C’est de ce point le plus proche, à environ 40 kilomètres de Saint-Élie, que vont se faire les rotations, exceptée la première du matin qui part directement de la base de Macouria, cabine pleine, et la dernière de la journée qui revient remplie aussi (voir carte).
Après une heure de route en passant au sud de Kourou, je suis dans le timing pour prendre en charge les passagers matinaux. Le cap de Kourou en pause déjeuner © Patrick GISLE Michel a mis la tenue de commandant de bord avec la chemise à galons !
La pause de midi me permettra mon seul "écart" touristique avec la visite de la ville de Kourou et un déjeuner sous les palmiers au cap en face des Îles du Salut où se trouvent les ruines du célèbre bagne de Guyane. Pas de Centre spatial pour cette fois.
L’après-midi, je retourne assurer les acheminements de retour des passagers et le "refioul". Michel s’est fait ses presque mille kilomètres dans la journée et moi plus de trois heures de Kangoo !

Dimanche 9 novembre : jour 6
Pas de messe pour les braves, mais encore une grosse journée au PK 48 de Bélizon pour avancer la mission des lampadaires. Déchargement des 1er poteaux © Patrick GISLE Michel effectuera une dernière rotation à Saül et deux autres à Trois-Sauts, dont une avec huit poteaux à l’élingue. Pour cette dernière, je sais qu’il en a pour deux heures rien qu’à l’aller et une heure au retour. Mais au bout de trois heures et demie, le stress commence à monter car l’après-midi tire à sa fin. Vais-je visiter une des mines du coin ? Enfin, j’entends le sifflement caractéristique de l’appareil et Michel déboule à pleine vitesse, comme d’habitude, mais pas en provenance du sud ; bizarre… Il atterrit toujours aussi adroitement et m’explique que sa charge à l’aller ne s’est pas comportée comme prévu et l’a obligé à voler à une vitessse maximum de 55 nœuds, le mettant hors calcul de consommation et d’autonomie. Il a dû rentrer plus par l’Est, pour "refiouler" à mi-distance du retour à Camopi où se trouve un de ses dépôts au local de sécurité.
Nous effectuons un retour assez bas avec une magnifique lumière de fin de journée. Je place trois caméras sur l’hélicoptère dont la GoPro sous la machine pour avoir l’intégralité de ce dernier vol : magique !

Voler en Guyane nécessite bien entendu plusieurs précautions particulières :
Tout d’abord, tout vol qui part au-dessus de la forêt doit obligatoirement faire l’objet d’un ou plusieurs plans de vol déposés (un par étape). A perte de vue, la forêt guyanaise. Tout vol qui part au-dessus de cette étendue doit obligatoirement faire l'objet d'un ou plusieurs plans de vol déposé (un par étape) © Patrick GISLE C’est le premier travail du matin pour Michel qui définit et minute son parcours de la journée avant de le déposer par téléphone aux Services de l’Aviation civile. Il activera et clôturera par radio ou téléphone chaque plan de vol prévu le long de la journée. Ensuite, la visite pré-vol de la machine doit être rigoureuse et approfondie, tout comme les calculs de consommation et les quantités de carburants pré-déposées en plus du réservoir. Je ne vous parle donc pas du suivi mécanique de maintenance qui doit être des plus stricts et sérieux possibles.
Il faut parfaitement paramétrer ses GPS, au moins deux à bord dont un portable. Il est très difficile de trouver un terrain de quelques dizaines de m² au cap et à la montre au bout d’une heure de vol !
Il est aussi évidemment de bon aloi d’avoir au moins une deuxième radio, plutôt portable, et un téléphone satellite.

Malgré le nombre très important d’heures de vol, on ne recense que très peu d’accidents d’hélicoptères en Guyane : Sur trente ans, une disparition corps et biens avec trois personnes dans les années 1980 et deux crash mortels avec pilote seul à bord d’AS350 B2. Vol plein sud sur 80 km © Patrick GISLE Le premier qui est survenu en 1990 fut lié à une rupture mécanique. Le second s’est produit en 2013 à la suite de l’emmêlement d’un filet dans le rotor arrière de l’appareil. Quand on sait que dans les années 2000, on comptabilisait entre dix et douze mille heures par an en travail aérien et encore maintenant dans les huit à neuf mille en dehors du SAMU et ses 1200 heures record, ce bilan est vraiment impressionnant et très inférieur à celui des avions. Bien entendu, il y a eu d’autres accidents, mais malgré l’état des machines retrouvées, les pilotes sont toujours là pour remercier les concepteurs du fameux Écureuil.
C’est le cas de Yann Le Bouar, pilote et dirigeant bien connu de la société Yankee Lima Hélicoptères, qui a été lui aussi victime d’un crash avec destruction totale de sa machine dans la région de Camopi, au sud-est de la Guyane le 31 mai 1999. Joint par téléphone, étant en métropole pendant mon séjour, il me raconte ouvertement son aventure. Il fut sauvé par la mise en application d’une technique qui consiste à finir son autorotation par un "flare" très marqué dans les arbres avec la queue bien vers le bas pour qu’elle absorbe le plus gros de l’impact en s’écrasant. Arrivée à Saint-Élie © Patrick GISLE Cela permet aussi aux occupants de rester au-dessus du groupe moteur – BTP, la partie la plus lourde, bien calés dans leur siège. La panne fut causée par un désamorçage de la pompe à kérosène lié à une gestion trop "tendue" de la consommation après avoir accepté une rotation supplémentaire. Bien que blessé à cause du basculement final de l’appareil sur le côté, Yann Le Bouar fut retrouvé au bout de 24 heures grâce à une balise de détresse complémentaire non homologuée à bord, celle d’origine n’ayant pas fonctionné ! Il reconnaît avoir eu une énorme chance malgré une cheville cassée, un traumatisme crânien et la perforation par des branches de sa gorge, d’un bras et d’une cuisse ! Il me parle volontiers de son accident et de la nouvelle philosophie de vie qu’il en a retirée en me précisant que son casque lui a sauvé la vie.
Début 2015, il a été victime, fait rarissime, d’une panne turbine sur un Écureuil B3 très récent lors d’une mission à l’élingue. Survol de Cacao © Patrick GISLE Un léger mouvement en lacet anormal l’a fait réagir et prendre de l’altitude. Deux autres plus rapprochés l’ont fait se dérouter sur une clairière qu’il connaissait par chance à deux minutes de vol sans qu’aucune alarme ne s’active. Il s’est mis en autorotation préventive et a juste eu le temps de larguer sa charge après remise de puissance pour se poser au moment de l’arrêt de la turbine !
Au fil des ans, les pilotes ont référencé tous les points de posé possibles, rochers, bords de rivière, clairières, mines ou pistes et se les ont échangés. Le plus proche de tous ces points rentrés dans les GPS est donc automatiquement sélectionné en cas d’urgence en appuyant sur la touche "nearest waypoint".

Les rivières vers Montsinéry © Patrick GISLELundi 10 novembre : jour de départ
L’heure du retour a sonné pour moi. Michel repart au PK 48 pour faire de nouveaux transports de poteaux à Trois-Sauts. J’en profite pour faire quelques dernières photos de son départ.
Ces six jours de reporter-helpeur sont passés trop vite et ont été d’une richesse incroyable. Que de souvenirs et d’images ! La Guyane, on n’aime pas du tout ou on tombe sous le charme… Devinez pour moi ?

Voilà, vous êtes désormais prêts pour aller survoler la forêt guyanaise en hélicoptère, belle et envoûtante avec ses magnifiques jeux de lumière. Mais attention, vous risquez d’y prendre goût !

Vous trouverez en plus des six clips vidéos issus de mon voyage, un septième tourné en décembre 2014 qui présente, en images sol et embarquées, une Fin de journée 6 pour Michel & Patrick © Patrick GISLEremaquable mission de transport de bois destiné à la construction d’embarcadères dans la région de Camopi, à mi-longueur de la frontière Est avec le Brésil.
Les commentaires en bas des photos du portfolio apportent aussi des infos complémentaires.

Un grand merci à Michel & Tatiane Beaujard qui m’ont invité et accueilli si gentiment chez eux et bien sûr à la société Pilot’Air Aviation qui m’a pris à bord.
Départ de Michel. Dernier jour © Patrick GISLEJe remercie également Raphaël Giovanetti pour son accueil et son aide précieuse ainsi que Mathieu Laouenan de la Sécurité civile, Stéphane Pigeon de chez HDF et Yann Le Bouar de Yankee Lima Hélicoptères pour leur disponibilité.

Je finirai par un clin d’œil amical à Florence que j’avais rencontré à Valence chez Jet Systems et que j’ai retrouvée chez HDF, officiant comme "helpeuse"* avec Jean Félix, son pilote de mari, en "Terre d’eaux abondantes".

(*) : helpeur / helpeuse : assistant(e) au sol.

• Cliquez ici pour lire l’article intitulé : "Michel BEAUJARD : Pilote Globe-trotter !"

1er jour - Transports héliportés de personnels et matériels

Jour 2 & 3 : Transports de matériel - Vols de liaison Macouria - Bélizon - Saint-Élie

Jour 4 - Trajet cabine héliportage touque & Jour 5 - transfert de passagers

Jour 6 - Vol retour

Transports héliportés longues distances de poteaux lampadaires

Transports de touques pour la mine de Korosibo

Héliportage de Bois de Saint-Georges à Camopi

Héliportage de touques avec AS350B2 F-GYSD

Photos et Vidéos © Patrick GISLE

Messages

  • Époustouflant article, bravo encore Patrick...
    Il est évident que les nouvelles richesses des mines d’or de ce département d’outre-mer, suscitent davantage l’attrait que le sort des populations laborieuses de nos anciennes mines de charbon. Néanmoins, je suis convaincu que les aventures Guyanaises de l’ancien hélicoptère Sécurité civile EC 145 retiré de leur région Nord-Pas-de-Calais seront lues avec le plus grand intérêt !

  • Bonjour Patrick,

    Magnifique article comme toujours, dommage de ne pas être passé nous voir, tu aurais blouclé la boucle avec l’ensemble des machines à voilure tournante sur le territoire Guyanais et nous nous serions fait un plaisir de te recevoir ;-)

    Brice de la SAG

  • Un article remarquable, qui fait honneur à un pilote et une équipe remarquable.
    Déjà des milliers d’heures effectuées en zones hostiles en mono moteur. Un vrai savoir-faire, des procédures terrain efficaces, un pilotage adapté, pas de fioritures et pas de doutes, car le vol et la nature la-bas sont particulièrement hostiles !

  • Merci Patrick pour ces vidéos.
    Helico fascination ou la passion de l’helico magnifiquement démontré dans ce reportage.
    hubert

  • Bravo pour cet article Patrick Amicalement. Bruno .

    • Magnifique Article Patrick. La vie d’un pilote sur place doit être très contraignante ; Les condiotions MTO doivent être changeante régulièrement et se balader au dessus du Persil en permanence ne doit pas être rassurant . Encore bravo Patrick c’est très enrichissant . Grrand MERCI

  • Bravo pour la qualité de ce reportage. On sent bien que les difficultés et les pièges sont disséminés un peu partout dans ce milieu. En tout cas on s’y croirait, tellement c’est bien raconté et documenté.

  • Bonjour à tous
    Michel Beaujard continue son activité toujours avec la même passion. Il m’a fourni il y a quelques mois de belles images de ses rotations d’héliportages de touques de carburant, dont certaines, exceptionnelles et inédites, réalisées depuis un drone. Toutes ont été filmées par Valentin Diakhaté que je remercie et félicite.
    Je vous offre donc, en guise d’étrennes, un joli montage issu de 16 rushs et 15 sites de prises de vue.

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