Fernand Martignoni est né le 25 juin 1929 à Thouvey, petit village de la commune de Nendaz dans le Valais. Il a vécu toute son enfance dans ce lieu qui lui apportait la joie de la famille et lui fit apprécier la nature. Très éveillé, Fernand s’intéressa tout de suite à la technique. Vers la fin de sa scolarité, il commença à fabriquer des avions miniatures et des modèles réduits en tous genres. Il se dirigea vers le métier de mécanicien automobile. Il dut descendre à Sion et découvrit les réalités de la ville et surtout son aérodrome.
Il fut fasciné par l’aviation et devait tôt ou tard rencontrer celui qui régnait sur l’aérodrome : Hermann Geiger. De cette rencontre, Martignoni disait « j’ai toujours eu un faible pour les choses de l’air. Mais c’est Geiger qui m’a donné le goût de l’Aviation à tel point que j’en ai fait l’essence de ma vie ».
Fernand qui avait peu de moyens financiers et déjà une petite famille, put s’initier aux joies du pilotage grâce à la compréhension de son instructeur. Il lui permit de faire les quelques 30 heures de vol nécessaire à moindre frais contre quelques travaux d’entretien au sol et en mécanique. Il obtint son brevet de cette façon. Mais cela n’allait pas suffire. Il enchaîna avec les atterrissages sur skis et devenait ainsi le second d’Hermann Geiger dont la forte personnalité n’admettait aucune faiblesse chez ceux qui vivaient dans son orbite.
En 1956, l’Union Suisse des coopératives de consommation organisa une collecte publique pour offrir à Geiger et son entourage, par la Garde Aérienne de Sauvetage le premier hélicoptère destiné aux Secours un BELL 47 J.
Cette machine ouvrait de nouveaux horizons en matière de Secours. Geiger fit son stage chez Fenwick avec Jean Moine et Martignoni suivit dans la foulée chez Heliswiss. Tous deux commencèrent à ouvrir et remplir le Grand Livre du Sauvetage Héliporté.
En 1965, coup d’arrêt, Fernand dut transporter des matériaux pour le barrage de Toules dans le Val d’Entremont. Le temps se gâta, le Foehn se mit à souffler et lors de la dernière rotation de son programme, il fut plaqué au sol. On le retira des décombres de l’appareil grièvement brûlé. Mais sa résistance physique et ses ressources morales lui permirent de reprendre ses activités six mois plus tard.
C’est sur son lit d’hôpital qu’il apprit que l’Aéroclub, son employeur, s’apprêtait à céder le secteur du transport et du sauvetage à une nouvelle Compagnie fondée par Bruno Bagnoud : Air Glaciers. Dans la foulée, il fut convié à rejoindre celle-ci. C’est ainsi qu’il poursuivit ses activités sous une autre bannière mais dans les mêmes dispositions d’esprit.
A la suite du décès tragique d’Hermann Geiger le 26 août 1966, l’ensemble du personnel demanda à Martignoni de prendre la place de Chef Pilote de la compagnie Air Glaciers.
Pendant plus de seize ans il va piloter tous les appareils du secteur : Bell 47 G2, J3, Alouette 2 et 3, Lama et même Puma. Pour les avions, les Piper et Porter étaient ses fers de lance.
Les sauvetages succédaient aux sauvetages, les vols de liaisons se succédaient aux vols de liaisons que ce soit de jour comme de nuit. Ses seules distractions : la pêche et la chasse et bien sûr les réunions de famille. Dans tous les cas, il était toujours prêt à partir.
Je l’avais rencontré à Sion lors d’un de mes passages, il partait avec une Alouette 3 mais nous avons pu discuter un moment. On sentait ce petit homme rondouillard très accessible mais bien dans sa tête et heureux de faire ce qu’il faisait. En 1982, tout s’arrête. Le 27 octobre en fin d’après-midi, l’Alouette 3 XCM qu’il pilotait s’écrase avec cinq autres personnes à bord.
Fernand était engagé avec cinq observateurs dans une mission de largage de têtes de poulets vaccinées pour lutter contre la propagation de la rage. L’Alouette percuta un câble et s’écrasa. L’enquête révélera que le câble avait été rayé de la carte par erreur.
Fernand nous aura quittés avec 17 000 heures de vol dont 6000 sur hélicoptères, plus de 2500 sauvetages. Il se sera posé 36 000 fois en avions et 25 000 fois en hélicoptères toujours en montagne. Il était membre d’Honneur de l’Aéroclub de Suisse, avait la médaille d’Or de Pilotes de Glaciers, Médaille d’Or des Vieilles Tiges, Certificat d’Or de la Fédération Aéronautique Internationale. En 1982, il recevait le prix de la Fondation Rünzi ainsi que le diplôme et la médaille du Mérite Alpin, enfin il reçut le Grand Prix Humanitaire de France. Un sacré palmarès !
Quand on lui demandait ce qu’il ferait s’il était millionnaire ?
« Ce que je ferais, je volerais, non plus pour gagner ma vie, mais pour mon plaisir, uniquement par sport. Je me poserais sur les glaciers et je partirais sur mes skis dans des descentes fantastiques pendant que mon pilote ramènerait mon avion à l’Aéroport.
Surtout je partirais au Canada où coulent des rivières pleines de poissons et je pêcherais tout le jour. Bien sûr pour les grandes distances, j’aurais mon hydravion ».
Le destin en a décidé autrement.
C’était un aigle.
Messages
19 avril 2012, 09:01, par Delafosse
Ces lignes et ces cables que l’on aperçoit très souvent au dernier moment présentent, surtout en montagne, une véritable hantise pour tous les équipages y compris les "Aigles" de toute nature... et rayant parfois d’un trait les plus glorieuses carrières.
Bel article, bel hommage.