Cela pourrait commencer par « Il était une fois ». En mars 1957, mon père, alors à la Garde Républicaine de Paris, s’était porté volontaire pour apprendre à piloter des hélicoptères car la Gendarmerie Nationale en était dotée depuis 1954. De mon côté, j’étais inscrit au Lycée Voltaire à Paris.
Un jeudi, il décida de m’emmener avec lui à Issy-les-Moulineaux, seule condition : je devais rentrer par mes propres moyens. Arrivé en vue du terrain, je voyais déjà des engins bizarres qui virevoltaient dans tous les sens, c’était impressionnant. C’était des hélicoptères. Nous sommes entrés dans le grand hangar de Fenwick Aviation où bon nombre d’appareils étaient garés. Un personnage est alors arrivé vers nous et je fis la connaissance de quelqu’un de fabuleux que je ne quitterai qu’à cause de son décès en 2000. Il s’agissait de Monsieur Jean Moine.
Fenwick importait depuis 1950 le célèbre BELL 47 et Jean Moine était le Chef Instructeur. Il avait entre autres posé son B 47 G 2 de 260 Hp au sommet du Mont Blanc à 4807 m. Après une explication sur un hélicoptère désossé puisqu’en révision, j’apprends ce que sont les pales principales, leur rôle, les pales de l’anticouple et leur utilité. Puis c‘est au tour du moteur.
Le moment fatidique arrive et Jean m’invite à m’installer à bord du Bell 47. Je n’en mène pas large, cette grosse bulle me met en contact direct avec la nature. Après m’avoir expliqué le rôle des diverses commandes et instruments de bord, c’est la mise en route. Ça pétarade sérieusement. Jean me parle beaucoup et me met en confiance en m’expliquant tout ce qu’il fait. Après un geste amical de ceux qui sont sur le parking, nous décollons. Premier stationnaire. On sent que l’homme a cette machine bien en main. Nous rejoignons l’extrémité du terrain et c’est la prise de vitesse. Les patins frôlent l’herbe et j’ai une petite tendance à reculer dans mon siège. Puis nous grimpons vers la Seine, virage à gauche et là je vois Paris comme je n’aurais jamais imaginé voir la capitale sous cet angle. La tour Eiffel est toute proche. Jean me donne altitude et vitesse. Cela dure vingt bonnes minutes et nous retournons vers Issy. J’observe encore une fois les voitures qui sont petites et collées les unes aux autres. Arrivé à la verticale, Jean annonce « Autorotation », je ne sais ce que çà veut dire mais m’ayant expliqué que nous allons simuler une panne moteur, je ne suis vraiment pas à l’aise. D’un seul coup, je me sens aspiré vers le haut et voit arriver la planète à une certaine vitesse.
Il effectue alors une série de manœuvres qui nous amène en glissant sur les patins au point qu’il avait choisi. Je vois sur son visage un léger sourire. Après le redécollage, il me fait une petite démonstration de maniabilité, 360°, carré, marche arrière et j’en passe...
Retour devant les hangars et bien sûr on fête mon « Tout Premier Vol » au jus d’orange.
Après avoir chaleureusement remercié Jean Moine et son équipe, je pars prendre le métro pour rejoindre la Caserne de la République. Je me sens bizarre... Arrivé chez moi, je me précipite vers les toilettes en maudissant le conducteur... du métro qui m’avait rendu malade.
La suite, on la connaît...