Ventilateurs - Les hélicoptères en Indochine (1950-54)

lundi 28 février 2022

L’utilisation des hélicoptères en Indochine est en quelque sorte parallèle au conflit en Corée. Surnommés « ventilateurs » par les troupes qu’ils soutenaient, les Hiller 360 et H-23 Raven, Westland-Sikorsky WS-51 et Sikorsky H-19 étaient principalement utilisés pour l’évacuation des blessés et occasionnellement pour secourir les prisonniers évadés ou les équipages abattus au-dessus du territoire du Viet Minh. Aucun d’entre eux n’avait de rôle de combat, même si, la dernière année, il était prévu d’agrandir la flotte d’hélicoptères pour cette utilisation.

Les deux premiers hélicoptères, des Hiller 360 UH-12A achetés par les services de santé, arrivent en Avril 1950 et sont affectés à l’ELA 52 (Air Liaison Flight 52) ​​en complément des Criquet (avions légers Fieseler Storch de fabrication française) utilisés jusqu’alors. Ils sont exclusivement utilisés pour des missions d’évacuation sanitaire dans le sud de l’Annam, en Cochinchine et au Cambodge. Le 16 mai, la première mission d’évacuation est effectuée par le lieutenant Alexis Santini, devenu en Novembre 1949 le premier pilote d’hélicoptère militaire français. Bien qu’il n’ait effectué que 28 heures de vol sur hélicoptère, il transporte deux blessés du 1er BCCP à Saïgon en deux heures de vol, dont une heure dans l’obscurité. Il est le seul pilote d’hélicoptère de toute l’Indochine jusqu’à ce qu’il soit rejoint par le sergent Raymond Fumat en Août 1950.

Valérie André aux commandes d'un Hiller UH-12A sur le point d'atterrir pour évacuer les blessés de l'opération « Crachin » en Février 1952 (menée du 16 au 27 février 1952, dans la région entre Ninh Giang) - Photo ECPADParmi les premiers pilotes, une femme, la capitaine Valérie André, allait rapidement devenir célèbre. Chirurgienne militaire, parachutiste et pilote qualifiée, arrivée en Indochine en Juin 1949, elle évacua 165 blessés en 129 missions d’hélicoptères en 1952-1953 (sur un total de 496 missions en hélicoptère et en avion) ​​et commanda plus tard une escadrille d’évacuation de blessés.
Une mission typique eut lieu le 11 décembre 1951, lorsque des blessés durent être évacués d’urgence de Tu Vu sur la Rivière Noire. Le seul hélicoptère disponible, stationné près de Saïgon, fut démonté, acheminé vers Hanoi par un Bristol Freighter et remonté. La capitaine André se rendit alors à Tu Vu malgré un épais brouillard et des tirs antiaériens. Là, elle tria les blessés, opéra les cas les plus urgents, puis ramena les blessés urgents à Hanoi, deux par deux. En 1976, elle devint la première femme de l’armée française à atteindre le grade de général. La photo de droite montre son Hiller UH-12A sur le point d’atterrir pour évacuer les blessés de l’opération « Crachin » en Février 1952.

Fin 1951, les deux hélicoptères furent transférés à l’ELA 53 de Gia Lam, près de Hanoi, tandis que sept des plus puissants H-23A arrivèrent, à partir de février 1952. Cela permit enfin de couvrir toute l’Indochine et la flotte d’hélicoptères fut réorganisée en trois escadrilles mixtes avion-hélicoptère : ELA 52 à Tan Son Nhut, ELA 53 à Gia Lam et ELA 54 à Tourane (Da Nang).

En Mars 1952, six H-23B dotés de moteurs plus puissants furent ajoutés à la flotte d’hélicoptères. Entre Juin et Décembre 1952, onze WS-51 furent achetés mais, bien qu’appréciés pour leur capacité à transporter trois blessés simultanément, ils se révélèrent inadaptés aux conditions locales et furent remplacés à partir d’Octobre 1953 par le Sikorsky H-19, beaucoup plus puissant.

L’arrivée de dix-huit de ces hélicoptères, surnommés les « éléphants heureux », constitue une amélioration majeure des capacités puisque le H-19 peut transporter six blessés et un médecin sur plus de 500 kilomètres. A peu près à la même époque, les hélicoptères sont transférés de l’ Armée de l’Air à l’Armée de Terre qui forme en décembre 1953 la première unité entièrement héliportée : le Groupement des Formations d’Hélicoptères en Indochine (GFHI), lui-même constitué des 1re et 2e Compagnie d’ Hélicoptères d’Evacuations Sanitaires (CHES).

En 1954 seulement, les hélicoptères ont évacué 6 499 blessés du CEFEO des différents champs de bataille, certains vols ayant eu lieu dans l’obscurité. Au début de Dien Bien Phu, cependant, trois H-19 ont été détruits au sol par l’artillerie de 105 mm du Viet Minh et un a été abattu par des tirs antiaériens malgré les croix rouges peintes en gras sur les flancs de leur fuselage (1). En conséquence, tous les vols d’hélicoptères vers la base assiégée ont été suspendus fin Mars.

Bien que les 44 hélicoptères (2) n’aient pas participé à des combats réels, onze furent perdus par l’ennemi. Malgré les limites techniques des premiers modèles, l’utilité de ces « ventilateurs » fut rapidement appréciée. Le petit nombre d’hélicoptères n’a évacué « que » 10 820 blessés du CEFEO en 1951-1954 (environ 1/7 du nombre total d’évacuations) mais il est douteux que ces hommes auraient pu être sauvés par d’autres moyens.

L’utilisation potentielle des hélicoptères au combat n’est cependant pas négligée et les renforts prévus pour la campagne 1954-1955 comprennent 50 H-19. Le 22 novembre 1954, l’armée crée sa propre branche d’aviation légère, l’ Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT), pour exploiter ses propres avions et hélicoptères. Les vétérans d’Indochine formeront le noyau d’une force d’hélicoptères considérablement élargie qui, au cours des huit années suivantes, fera de la guerre d’Algérie la première guerre d’hélicoptères.

Note 1 : En toute honnêteté, il convient de mentionner qu’en plus de leur rôle plus médiatisé, ces hélicoptères ont également été utilisés pour transporter quelques officiers de remplacement dans la base et évacuer des pilotes de chasse en parfaite santé qui avaient été bloqués par l’attaque du Viet Minh et dont leur unité avait cruellement besoin.

Note 2 : En plus de ceux-ci, quatre hélicoptères (deux Sikorsky S-51 et deux Piasecki HUP-2) étaient exploités par l’ Aéronavale pour le sauvetage à bord des porte-avions. Source


Annexe : Modèles d’hélicoptères utilisés en Indochine
Hiller UH-12A (360) / H-23B Raven
Capacité d’emport : un pilote et deux mallettes
Moteur : (UH-12A) un Franklin 6V4-B33 six cylindres à plat de 170 ch ; (H-23A) un Franklin O-335-4 six cylindres à plat de 178 ch ; (H-23B) un Franklin O-335-6 six cylindres à plat de 200 ch
Dimensions : longueur du fuselage 8,46 m ; hauteur 2,98 m ; diamètre du rotor bipale 10,67 m
Poids (H-23B) : 730 kg (à vide), 1 025 kg (en charge maximum)
Vitesse (H-23B) : 135 km/h (maximum), 110 km/h (croisière)
Autonomie (H-23B) : 330 km (sans réserves) ; Durée de vol max. 2 h 30
Nombre en service : deux UH-12A, sept H-23A, six H-23B

Westland-Sikorsky WS-51 Libellule
Capacité d’emport : deux pilotes et deux mallettes
Moteur : un Alvis Leonides 521/1 radial neuf cylindres de 500 ch
Dimensions : longueur du fuselage 12,47 m ; hauteur 3,94 m ; diamètre du rotor tripale 14,6 m
Poids : 1724 kg (typique), 2495 kg (maximum en charge)
Vitesse : 166 km/h (maximum), 132 km/h (croisière)
Autonomie : 482 km (typique)
Nombre en service : onze

Sikorsky H-19A Chickasaw
Capacité d’emport : deux pilotes, six mallettes
Moteur : un Pratt & Whitney R-1340-40 Wasp radial neuf cylindres de 600 ch
Dimensions : longueur du fuselage 12,71 m ; largeur 3,35 m ; hauteur 4,06 m ; diamètre du rotor tripale 16,15 m
Masses : 2245 kg (à vide), 3300 kg (maximum en charge)
Vitesse : 175 km/h (maximum), 135 km/h (croisière)
Autonomie : 563 km (sans réserves) ; temps de vol max 4 h 30 mn
Nombre en service : dix-huit (pas tous opérationnels)


 Cliquez ici pour en savoir + sur les Hélicoptères en Indochine par Jean-Marie Potelle.

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