Sauvetage in extremis dans les Jorasses
lundi 17 juin 2024
L’alouette des Jorasses - En 1971, en plein hiver, deux alpinistes se retrouvent bloqués dans l’imposante face Nord des Grandes Jorasses à 4.000 mètres d’altitude. Seul l’un d’eux survit, sauvé in extremis. En partie grâce à un pilote d’hélicoptère et son mécanicien.
Février 1971. Voilà plus de 10 jours que l’alpiniste René Desmaison lutte contre les éléments dans la face Nord des Grandes Jorasses, à plus de 4.000 mètres d’altitude dans le massif du Mont-Blanc et en plein hiver. Le froid est extrême dans cette paroi qui ne voit pas le soleil de la journée. Pour son jeune compagnon de cordée, Serge Gousseault - un grimpeur brillant, guide de haute-montagne comme son aîné - il est déjà trop tard. René Desmaison est immobilisé sur une vire, accroché à un piton.
Desmaison, dans ces années 1960-70, c’est la figure même de l’alpiniste professionnel, régulièrement médiatisé. En 1968 il fait vivre l’ascension d’une nouvelle voie, déjà dans les Grandes Jorasses, aux auditeurs de RTL. Muni d’un émetteur radio, il raconte en direct plusieurs fois par jour son ascension qui va durer une semaine ! Deux ans plus tôt, c’est la télévision française qui avait suivi son expédition sur le versant italien du mont Blanc alors qu’il tentait de faire la lumière sur le crash d’un avion de ligne.
Originaire du Périgord et doué d’une certaine gouaille, il est devenu guide de haute-montagne par passion - une passion qu’il sait partager avec le grand public. En 1971, il se lance avec Serge Gousseault, 24 ans, dans une nouvelle aventure : l’ouverture d’un nouvel itinéraire dans la face Nord des Grandes Jorasses. Si le début de l’expédition se déroule sans encombre, les difficultés vont s’accumuler au fil des jours.
En bas, dans la vallée de Chamonix, on suit l’ascension de Desmaison et Gousseault. Mais bientôt le mauvais temps s’installe et la radio de la cordée tombe en panne. Le silence s’installe, et la montagne disparaît derrière les nuages. Devant les caméras et les micros, l’épouse de Serge Gousseault commence à exprimer son inquiétude. Lorsque les appareils peuvent de nouveau voler, un hélicoptère, puis un deuxième le lendemain, parviennent à approcher. Desmaison pense qu’on va venir les chercher, mais il ne fait pas les gestes de secours réglementaires, ou pas correctement… De loin, les secouristes eux pensent que Desmaison maîtrise la situation. Un quiproquos à 4.000 mètres d’altitude...
Lorsque l’on comprend qu’il faut déclencher les secours, il est sans doute déjà trop tard pour Serge Gousseault. René, lui, est immobile sur la vire. Le vent souffle trop fort sur le versant français des Grandes Jorasses pour que les hélicoptères puissent se poser sur la crête sommitale et déposer des sauveteurs. Pendant ce temps, une Alouette 3 basée à Grenoble est appelée en renfort. En se rendant à Chamonix par le côté italien,
le pilote Alain Frébault et son mécanicien Roland Pin parviennent à poser les patins de leur appareil sur un petit col situé non loin du sommet ! Les deux hommes ont bénéficié d’une aérologie sans doute meilleure sur le versant italien, mais ils ont aussi fait preuve d’un grand sang-froid.
De retour à Chamonix ils partagent leurs infos avec les autres pilotes et plusieurs appareils réussiront à acheminer des secouristes sur la zone, puis à récupérer le survivant. René Desmaison est sauvé, in extremis. Si le secours fut une chaîne collective, on retiendra aussi que les deux Grenoblois ont permis de débloquer la situation. Deux sauveteurs qui n’ont jamais cherché la lumière. Roland Pin, le mécano et co-pilote ce jour-là, n’avait jamais raconté son histoire. Il témoigne aujourd’hui dans cet épisode de La Folie des hauteurs.
Avec : Antoine Chandellier, journaliste au Dauphiné Libéré et biographe de René Desmaison, Roland Pin, ancien mécanicien de la Protection Civile, et les archives de l’INA. Source : francebleu.fr.
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