Henri GIRAUD - Atterrissage au mont Blanc le 23 juin 1960

jeudi 4 juin 2015

Henri Giraud a vaincu le mont Blanc
L’événement n’est pas de ceux qu’il faut laisser sombrer dans l’oubli.
L’exploit s’est décanté de son aura d’actualité à sensations, et nous revient, dénudé, prêt à rejoindre dans l’Histoire le Suisse François Durafour qui posa son Caudron G-3, le 30 juillet 1921 à 7 h, au col du Dôme, sous le sommet de ce même Mont-Blanc.

C’est mon dix-millième atterrissage au Mont-Blanc.
Depuis deux ans, je n’ai cessé de l’exécuter en pensée. Aujourd’hui, tout est simple.
Ainsi s’exprime Henri Giraud, le soir du 23 juin 1960, après son plus grand exploit.

Henri GIRAUD - Atterrissage au Mont Blanc, le 23 juin 1960 - Photo Aimé Mollard Le ProgrèsAh ! ce Mont-Blanc... écrit-il, la haute mission d’exemple que je m’étais fixée m’interdisait d’échouer.
Tout au fond de ma vieille carcasse, la même petite voix me disait alternativement : il faut le faire et c’est impossible... Il faut avoir préparé la manœuvre et même la fausse manouvre.
Du côté du Rocher de la Tournette, il y a un épaulement, ce qui permet un christiania de 90° pour arriver pile sur le Mont-Blanc. Si l’on est trop court à l’arrivée, on retombe de 2.500 mètres sur le dos.
 »

En survolant la vallée du Grésivaudan, où serpente l’Isère et qui s’étale entre la chaîne de Belledonne et la falaise abrupte du Massif de la Chartreuse, on peut découvrir, par beau temps, dans l’azur du matin, la gigantesque épaule blanche du Mont-Blanc.

Le soir, vers l’autre extrémité de la vallée, se profile contre le ciel orangé du couchant une montagne à la forme bizarre, un tronc de pyramide : le Mont Aiguille. Ces deux pôles, ces deux bastions d’un empire aérien, ce sont les deux plus grandes "premières" de Giraud.

A l’époque où s’organisait le Secours en montagne, il a prouvé ce que l’on pouvait faire avec un avion en ramenant 24 blessés.

Les témoins
En Savoie, à l’héliport de Gilly près d’Albertville, le 23 juin 1960, vers 4 h du matin, deux hommes attendent anxieusement l’arrivée de leur pilote d’hélicoptère.
Ce sont Aimé Mollard, journaliste au "Progrès de Lyon", et un guide de montagne de l’UNCM, Pierre Jeanvoine.

Les minutes passent : ils apprennent que le pilote a renoncé à cause des difficultés de l’expédition mais un autre pilote intervient : c’est Jean Moine. Il est directeur de Fenwick Aviation, agent pour la France d’Agusta Bell.

"C’est bon, dit-il, je vous emmène. Cela vaut mieux."

Au moins, lui, l’a déjà fait : poser un hélicoptère au sommet du mont Blanc, à l’époque où même les Alouette n’avaient pas assez de puissance en altitude pour monter aussi haut ! Jean Moine s’y est posé plusieurs fois.
Il vient de décider qu’il va rééditer son exploit, autant de fois qu’il sera nécessaire. Heureusement, son appareil, l’Agusta-Bell G-3 Super-Alpin représente un grand progrès.

Mais Jean Moine est ému. Ses deux passagers le sont aussi. Aimé Mollard atteint sans doute là les plus grands moments de sa carrière. De Giraud, il est l’ami, le reporter, le compagnon de vol et le co-pilote avec lequel il s’est posé des milliers de fois sur des Article Le Dauphinéglaciers... et deux fois sur le Mont Aiguille, dans le Vercors.
Giraud, à cause de leur amitié, lui a réservé cette mission. Il doit, au sommet du Mont-Blanc, filmer l’atterrissage.
Quant au guide, sa présence est nécessaire pour la sécurité des hommes. Il emporte des cordes, des piolets, tout l’équipement d’une ascension. Pourvu que l’on n’en ait pas trop besoin !

Giraud a décollé de Grenoble à 4 h. Il est déjà 4 h 45 lorsque Jean Moine décolle à son tour ; vingt-sept minutes plus tard, il dépose cette première équipe sur le Dôme du Goûter.

L’avion de Giraud apparaît, le Choucas, Super Piper du Secours en Montagne. Son avion porte-bonheur. Le pilote est en vue du Mont-Blanc depuis les 5 h du matin. Ses amis remarquent qu’il navigue droit vers le Mont Blanc, puis s’attarde le long de ses flancs. Une bombe fumigène est allumée du sommet du Dôme pour donner la direction du vent. Bientôt Giraud se pose au col du Dôme, là où Durafour s’est posé en 1921, à 4.200 mètres.

Le deuxième hélicoptère se pose à son tour, un Giovani Agusta, piloté par Jacques Pététin. Celui-ci est un ami du préfet de Haute-Savoie, M. Jacquet. Il est allé réveiller ce dernier en lui disant qu’il l’emmenait au Mont-Blanc.
Le préfet, homme très sportif, a accepté, mais il ne sait rien de l’expédition de Giraud : on lui a réservé la surprise. En mettant pied à terre, il est d’autant plus stupéfait, électrisé par cette tentative. Avec lui descend un jeune homme de 24 ans, fils d’Emile Brémond, le Président-Directeur-général du "Progrès de Lyon" un passionné d’aviation.

Jean Moine entreprend alors de transporter ces hommes au sommet du Mont-Blanc. La portance diminuant, il ne peut embarquer qu’un seuil passager à la fois : Giraud, Jeanvoine, Mollard et le préfet. L’hélicoptère de Jacques Pététin ne peut pas monter aussi haut.

Pour Giraud, opération primordiale : il s’agit d’inspecter le terrain et de déterminer l’aire d’atterrissage. Ce terrain, que de fois ne l’a-t-il pas scruté d’avion depuis deux ans !

L’arête du Mont-Blanc est très aiguë. Elle ne comporte qu’un seul méplat, d’une longueur maximale d’environ 20 mètres. Giraud choisit une surface très inclinée, où la neige n’est pas trop croûtée ni vaguée. Deux bandes noires sont tracées sur le sol à l’aide de poudre de charbon.. qui provient de la cave de Mollard !

Giraud décolle, passe à la verticale de la piste, fait un tour du sommet. Il remarque qu’un vent de face, donc rabattant, et d’environ 20 km/h s’est levé. C’est mauvais. Chacun se pose alors la question cruciale : l’exploit est-il réalisable ? Ils vont laisser partir leur ami ! Le verront-ils périr sous leurs yeux ?

Il fait très froid, -10°, mais le temps est splendide. La neige est poudreuse.
"Les conditions sont parfaites, je réussirai" a dit Giraud à Jean Moine qui, lui, pilote, ne l’a pas cru. L’atterrissage lui paraît impossible et la confiance de Giraud ne peut vaincre son angoisse. Mollard, par contre, fait preuve d’une confiance absolue. Il a besoin de tout son sang-froid pour préparer ses appareils et ses pellicules.

Giraud se présente. Il touche le sol à l’endroit même qu’il a désigné du talon. Mais l’avion arrive à toute vitesse, rebondit trois fois, puis franchit le bord de l’abîme, où il disparaît côté Chamonix. Jean Moine, qui assiste à la scène des commandes de son hélicoptère, a le frisson. Au sol, les témoins sont horrifiés : ils ne voient ni n’entendent plus rien. Le lourd silence se prolonge terriblement. Car ce n’est que cinq minutes plus tard que l’avion fait sa réapparition !
"J’étais trop long, devait expliquer Giraud. J’allais trop vite. Je l’ai compris aussitôt. J’ai préféré remettre toute la gomme pour me représenter".

Les skis touchent à nouveau avec la même précision mathématique, dans les traces précédentes, mais moins vite. Le Choucas rebondit. C’est à cause d’une croûte. Puis il accomplit un christiania de 90°. Les trois hommes présents se précipitent pour saisir l’aile, les haubans de l’avion dont le moteur tourne encore.

"Il faut s’appeler Giraud !" s’écrie Aimé Mollard.

Henri GIRAUD - Atterrissage au Mont Blanc le 23 juin 1960 - Photo Aimé Mollard Le ProgrèsGiraud descend. Ces hommes sont fous de joie. Une sorte de cérémonie s’organise.
C’est un tableau photographié par Aimé Mollard et qui paraît le lendemain matin, 24 juin 1960, dans le "Progrès", avec huit colonnes à la une.

Image de la confiance en soi et du triomphe, Giraud brandit son drapeau tricolore ; il semble comme enraciné dans ce sol qu’il vient de conquérir. Devant lui, le préfet, au garde-à-vous, lui rend hommage et s’incline devant les couleurs française hissées à 4.807 mètres. Source : AVIANEWS 1975

Henri Giraud

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Henri GIRAUD - Atterrissage au Mont Blanc le 23 juin 1960 avec un Piper PA-18.A Super Cub immatriculé F-BAYP « Le Choucas » - Photo Aimé Mollard Le Progrès

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