L’adieu à l’Alouette III
lundi 31 août 2009
Avec ses faux airs de libellule, l’Alouette III rouge de la Sécurité Civile a marqué cinquante ans de secours en mer, en plaine et en montagne. Fin août, ce drôle d’insecte s’est retiré sur la pointe des pales. Retour sur un mythe.
Dans le ciel d’Annecy, Alpha Whisky a disparu des écrans radars un matin
d’août. Le dernier hélicoptère Alouette III a rejoint le centre technique de la Sécurité Civile à Nîmes en toute discrétion.
Il s’est ensuite envolé vers la base aéronavale Lann-Bihoué à Lorient, où il repose désormais en paix. Après quarante-sept ans de bons loyaux services, comme on dit dans les discours de départ en retraite, le dernier exemplaire de l’Alouette III encore en circulation a définitivement replié ses pales et cédé sa place à l’EC 145, fabriqué par le Franco-Allemand Eurocopter.
À l’heure des bilans, l’hélicoptère mythique de la Sécurité Civile un affiche un palmarès hors norme. Au cours de leur carrière, les trente-huit machines et les équipages de l’hélicoptère ont secouru 165 000 personnes, l’équivalent de la population de la ville de Saint-Nazaire. Pas facile d’imaginer qu’on puisse faire mieux.
Libellule stratosphérique
Rustique, l’Alouette III a fait ses premiers pas dans le ciel du Bourget, le 28 février 1959. À l’époque, l’hélicoptère n’était qu’un prototype. Déjà, sa puissance et son aérodynamisme attirent les regards. Trois ans plus tard, la Protection Civile l’adopte. Quatre-vingt-douze pays vont également se laisser séduire par les performances cette libellule stratosphérique, produite à 1 453 exemplaires. L’Alouette III représente l’hélicoptère par excellence. Une machine de 2 200 kg capable de tout faire grâce à sa capacité d’emport, à sa maniabilité et à sa puissance qui lui faisait tutoyer le Mont-Blanc. Lorsque j’ai rejoint le groupement hélicoptère de la Sécurité Civile en 1976, l’Alouette III était déjà un appareil mythique », se souvient Philippe Joly, chef de la base de Quimper et président de l’amicale des Dragons.
Jean-Claude Meillassoux, responsable du bureau technique
au groupement hélicoptère à Nîmes, confirme : « L’Alouette était un appareil polyvalent très sûr, que l’on pouvait pousser si nécessaire, car on savait que la mécanique allait suivre. Les équipages lui faisaient une confiance totale ». Increvable, l’Alouette III a eu raison de trois générations de pilotes et autant de mécaniciens opérateurs de bord. Des collections entières de "Civique" ne suffiraient pas à raconter les faits d’armes marquants accomplis par cet appareil lors de ses 265 000 heures de vol. Lorsque les équipages évoquent ce sujet, les anecdotes
pleuvent. L’Alouette est un mythe que l’on est même allé chercher au Portugal. Après la révolution des Œillets, plusieurs appareils de l’armée du dictateur Salazar, déchu, connurent une nouvelle carrière à la Sécurité Civile. Pour honorer sa mémoire, les compagnons de l’Alouette ont légué au musée de l’Air et de l’Espace du Bourget Alpha November 1115 et ses vingt huit ans de missions au compteur. Le 16 juin, la famille Sécurité Civile s’est réunie au Bourget pour un dernier hommage. L’Alouette III méritait bien pareille sortie. Joachim Bertrand - source : 52 août-septembre 2009 - numéro 180 53 Civique.