L’histoire de Francis Delafosse "Au cœur de l’Alouette"
jeudi 8 juillet 2021
Ce magnifique livre que je viens de recevoir mérite de figurer dans votre bibliothèque. J’ai régulièrement fait des exposés sur les personnes qui travaillaient dans le milieu de l’hélicoptère, mais ce que j’ai trouvé dur c’est que bien souvent je parlais des pilotes, parce que j’en étais un, mais j’avais rarement trouvé des livres qui parlaient des mécaniciens ou des M.O.B. (mécaniciens opérateurs de bord) et bien c’est fait grâce à Francis qui nous a gâtés en sortant ce très bel ouvrage. Il a vécu au sein de la Sécurité civile 35 ans et nous raconte son épopée.
Sa vie commence le 30 décembre 1949 à Halluin, dans le « plat pays » au nord de la France. Il est le deuxième enfant d’une famille nombreuse reconstituée. Quelques années plus tard, il aperçoit un superbe moulin avec quatre pales, tapissées de toile et qui actionnaient un mécanisme de bois, il était destiné à produire cette farine essentielle à leur pain quotidien. Puis dans sa cabane, il perçoit un bruit méconnu, c’est là qu’il fait connaissance de son premier hélicoptère, il s’agissait d’un Bell 47 G2.
Après avoir pris les renseignements sur le Service militaire, il compte opter pour l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT). Il lui reste quatre mois à travailler avant de partir.
Mars 1968, c’est le départ, tout d’abord pour Essey-lès-Nancy au Centre de recrutement. Là c’est une épreuve difficile, il a droit à tout ce que vivent les jeunes pendant leur service, en attendant l’admission à l’E.N.S.O.A. de Saint-Maixent. A la fin du stage, il reçoit son galon doré et se trouve admis à L’.E.S.A.M. basée à Bourges pour une formation purement technique. Après cette formation, il est affecté à l’Escadrille de Châlons-sur-Marne (Ecole d’Application d’Artillerie) où il va pouvoir voler sur Djinn, sur Bell 47 G2 et sur Alouette II ; il est lancé !
C’est alors qu’il effectue sa première évacuation sanitaire à bord d’une Alouette 2. Cette mission a failli mal se passer, c’était le 28 août 1970. Quelques mois plus tard, un hélicoptère rouge vient s’avitailler à son escadrille ; sur les flancs est inscrit "Protection civile". Il va alors discuter avec l’équipage qui lui déclare que l’organisme en question est voué au secours. Cette conversation va rester gravée dans sa mémoire.
Parvenu à la fin des quatre années ALAT, il doit renouveler son contrat. Au même moment, il apprend que le G.A.M.I. recrute et il envoie sa candidature. La réponse est positive mais à une condition : être accepté dans la Police nationale.
Une nouvelle aventure commence et il se retrouve à l’Ecole de Formation de la Police Nationale à Sens. Après quatre mois de cours, il faut choisir son affectation en fonction du classement. Dans sa tête, une seule chose compte : les hélicos. Il se retrouve alors à l’Échelon Central du Groupement Hélicoptères de la Protection Civile à Issy-les-Moulineaux. Là, il va en voir des hélicos, depuis l’Alouette 2 jusqu’à l’Alouette 3 dans tous leurs états, que ce soit démontés partiellement ou entièrement et il va même être affecté en renfort provisoirement dans certaines bases de provinces, mais cela lui donne une idée de ce que sera sa vie lorsqu’il sera affecté dans une de ces unités. Mais son objectif n’est pas là, c’est la création d’une base à Lille près de son pays d’origine.
1974, 1976, 1977, 1978, il est affecté à la base de Bordeaux-Mérignac. Les missions se succèdent et ne se ressemblent pas, telle la protection de la Reine-mère d’Angleterre.
Puis ce sera comme tous les ans à la base de Lacanau-Océan où là les touristes viennent en masse voir l’océan avec tout ce que cela comporte : les noyés, les accidents, les recherches, les dangers des baïnes, enfin tout ce que la mer peut réserver comme surprises.
Puis ce sera Granville et là c’est une autre dimension qui l’attend : l’intervention sur des bâtiments de plus gros calibres tels les pétroliers où du même genre qui oblige le treuilliste à être très vigilant et précis. Il va avoir droit à quelques frayeurs de ce côté-là. Granville restera profondément ancrée dans sa vie de sauveteur treuilliste.
Juin 1978, la base de Lille ouvre ses portes, enfin Francis va retrouver sa terre natale et le 12 juillet 1978, il décolle avec une Alouette 3 et un jeune pilote, chef de base pour le terrain de Lesquin. Il est nommé responsable mécanicien. Et là, de nouvelles aventures commencent. Tout d’abord pour être reconnu, on lui fait inscrire sur les flancs de l’Alouette 3 les inscriptions "SAPEURS-POMPIERS" et "SAMU 59-62" ce qui commence à faire beaucoup. Heureusement, l’inscription "SÉCURITÉ CIVILE" est bien placée.
Les missions sont prises au sérieux, ce qui fait une réputation à l’organisme en place. Les interventions sont variées et Francis s’attend à une nouvelle mutation, elle arrive en 1983. Direction la Haute-Savoie, avec Annecy où la Sécurité civile à sa Base près du mont Blanc.
Ses premières rencontres vont être fructueuses, tout d’abord son premier vol avec le chef de la base, un as en la personne de [Roger Colin-326], puis ce sera Michel Durand, et bien sûr René Romet. Au niveau mécanique, il va y avoir, Noël Rivière, Jean-Pierre Schuller et Gilbert Mezureux : une fine équipe ! Là, les missions vont être d’un autre niveau ; la montagne pardonne rarement les erreurs. Sa première intervention dans le secteur s’effectue le 9 juillet 1983 à l’aiguille du Chardonnet : chute d’un sérac emportant une quinzaine de personnes. Quatre heures de vol seront nécessaires pour évacuer les blessés et les morts mis dans une toile de jute puis débarqués et déposés au fond du hangar. Puis un gros véhicule viendra les récupérer pour les emmener à la morgue. Les personnes affluent en particulier les journalistes qui viennent pour remplir le journal du lendemain.
C’est cela aussi cela DZ des Bois. Pas une grande infrastructure, un petit bâtiment pour les réunions, un hangar. Francis vient de vivre son premier gros drame de montagne.
Il avait vu travailler les maîtres-nageurs, maintenant il voit comment travaillent les sauveteurs de la montagne.
Le 22 juillet 1983, autre drame, dans les Drus maintenant sur la face Ouest. Les gendarmes du P.G.H.M. sont déposés à proximité et les sauveteurs arrivent pour savoir les décisions à prendre. Un gendarme posé par l’hélicoptère appelle par radio pour signaler les chutes de pierre fréquentes, donc l’hélico ne peut y aller, car en montagne à part la météo, les pertes de puissance et ces chutes de pierre sont les ennemis au bon déroulement d’un sauvetage. D’ailleurs un excellent pilote, Gilbert Lebon de la gendarmerie disait : « Je veux bien faire face au danger, mais je déteste me faire tirer dans le dos ».
La première saison de Francis se résume en quelques chiffres : soixante secours effectués et plus de deux cents treuillages, un beau score qui évoluera petit à petit. D’autres secours en montagne et en plaine l’enrichiront comme celui du Grépon où là-dessus, ce fut compliqué, tant la position était difficile pour maintenir l’hélicoptère en stationnaire, mais tout s’est bien terminé.
Ce fut après la venue de mon ami Philippe de Dieuleveult qui, lors de son passage chez moi, avait décidé de faire un reportage qui touchait à l’hélicoptère, je lui proposais donc de faire un reportage sur le secours en montagne. Je contactais Roger Colin, patron de la base, qui fut d’accord pour le principe. Philippe se retrouva à Annecy pour rencontrer le personnage. S’en suivit le tournage durant l’été 1984 et la sortie d’un film intitulé "En limite de puissance".
Les missions vont continuer en alternance avec la Gendarmerie, une semaine sur deux.
A cette époque, il rencontrera même le Comte de Paris avec qui il entretiendra une liaison d’amitié. Mais ce qui est navrant, c’est que lors des interventions les personnes qui viennent récupérer leurs parents ne sont pas là pour vous féliciter et bien souvent ils en deviennent odieux et vous insultent. Cela Francis le fait bien remarquer.
Au départ de Roger Colin, c’est Patrick Bros qui le remplace à la tête de la Base. Il connait bien Francis, étant ancien patron de la base de Bordeaux. Mais la montagne va lui jouer un sale tour, lors d’une dépose du médecin de l’école de skis et d’alpinisme on lui demande de les déposer au Refuge Vallot (4362 m) chose qui est faite et Patrick décide d’aller au sommet du mont Blanc. Soudain, c’est l’accident, l’appareil touche un sérac et les quatre occupants sont éjectés dont le mécanicien Noël Rivière, sérieusement touché et les deux autres personnes, gravement blessées. Le corps du pilote sera retrouvé rapidement. Pascal Brun monte avec son Lama et deux sauveteurs. Puis ce sera au tour de l’Alouette 3 de la Gendarmerie de venir sur les lieux. Le plus dur reste de prévenir la famille…
Le sauvetage continue pour Francis, malgré qu’il soit très marqué par ce drame. Et les rencontres aussi, il aura l’occasion de côtoyer Roger Frison Roche, René Desmaison, Christophe Profit, des sommités de la montagne. Puis également Anne Sauvy, Gabriel Montmasson, un ancien de la base et bien d’autres. Bref, un passage à Annecy très enrichissant.
Francis est ensuite muté à Grenoble. Toujours la montagne, une nouvelle équipe et bientôt un nouveau matériel. Il est très vite réceptionné comme il se doit et démarre très vite : le drame au Drac. Ce cours d’eau anormalement gonflé par le lâché d’eau d’une usine EDF a fait un véritable carnage. Les enfants n’avaient aucune chance de s’en sortir. Quelques jours plus tard, c’est Patrick de Carolis qui vient leur rendre visite pour l’émission "Des Racines et des Ailes".
1999, c’est une grande année puisqu’on lui attribue la Légion d’honneur que lui remet Jean-Pierre Chevènement au Ministère de l’Intérieur. Puis en 2002, il est convié avec son épouse à l’Elysée pour la Fête nationale. De bien belles récompenses après sa médaille d’or pour « Actes de courage et de dévouement ».
Mais cela ne l’empêche pas de progresser et il est envoyé à Nîmes pour se former sur le nouveau-né qui remplacera les Alouette 3. Il s’agit de l’EC 145. Appareil bimoteur de nouvelle génération. Il passe malgré son âge à réussir l’examen.
Après de nombreux vols sur l’Alouette 3 qu’il a tant connue, il va effectuer son dernier vol sur EC 145, une liaison sur l’hôpital de Grenoble. Ce sera son dernier vol après une si brillante carrière.
Bravo pour ce livre magnifique, passionnant et plein de vérités.
Jean-Marie Potelle
Sortie officielle du livre de Francis DELAFOSSE intitulé "Au cœur de l’Alouette". |
.
– Cliquez ici pour lire d’autres recensions dans le Dossier de Presse.